Les chefs de police et de communautés des Premières Nations du Québec craignent que le gouvernement fédéral ne coupe le financement de leurs corps policiers, lui qui prône pourtant la loi et l'ordre partout ailleurs au pays.

Réunis à Ottawa pour lancer un cri du coeur au gouvernement conservateur, à moins de deux semaines du dépôt de son budget, les chefs de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL), de l'Association des chefs de police des Premières Nations du Québec et de services de police de communautés ont déploré jeudi qu'Ottawa prévoit couper dans leurs budgets policiers.

D'autant plus qu'ils sont déjà sous-financés, particulièrement au Québec, ont-ils fait valoir.

«Est-ce que notre sécurité et notre bien-être ne sont pas aussi importants que dans le reste du Canada? C'est le message que j'ai reçu. Et c'est complètement inacceptable», s'est indigné le chef du Conseil Mohawk de Kahnawake, Lloyd Phillips, en conférence de presse.

Les chefs des Premières Nations auraient reçu, début mars, une lettre du ministère de la Sécurité publique du Canada leur annonçant que le fédéral pourrait réduire le financement temporaire des services policiers de 19% au Québec. Leur budget passerait alors de 14,7 millions de dollars à 11,9 millions, à compter du 1er avril.

Au plan national, en vertu de la Politique sur la police des Premières nations, le ministère de la Sécurité publique verse un financement permanent annuel de 105,3 millions. Le financement temporaire additionnel, qui se chiffrait à une quinzaine de millions de dollars, pourrait cependant prendre fin.

Si rien n'a été confirmé, les Premières Nations préfèrent néanmoins réagir tout de suite, a expliqué le président de l'Association des chefs de police des Premières Nations du Québec, Steeve Launière.

Car une réduction du financement entraînerait assurément une diminution des services offerts aux communautés, a-t-il déploré.

«Cette décision s'attaque directement aux besoins fondamentaux des communautés autochtones dans leur droit d'offrir un environnement sécuritaire», a-t-il souligné.

Au bureau du ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, on a répliqué qu'il ne fallait pas présumer du contenu du budget, qui sera déposé le 22 mars.

L'évaluation du financement temporaire fait partie du processus budgétaire, un exercice annuel normal, a plaidé le ministre aux Communes.

«Notre gouvernement conservateur continue d'appuyer le programme de services policiers des Premières Nations», a-t-il assuré.

Mais selon le député bloquiste d'Abitibi-Témiscamingue, Marc Lemay, le plan de dépenses du gouvernement pour l'année 2011-2012 annonçait déjà l'intention d'Ottawa de mettre un terme au financement temporaire.

Le document fait état d'un «examen global du Programme des services de police des Premières Nations», ce qui laisse présager que d'autres réductions budgétaires seraient peut-être même à venir, a avancé M. Lemay.

Les représentants des Premières Nations ont aussi dénoncé le manque de dialogue entre Ottawa et les communautés dans ce dossier. Leurs multiples demandes de rencontre avec le ministre Toews sont restées sans réponse, ont-ils fait valoir.

Le chef de l'APNQL, Ghislain Picard, s'en est donc remis aux membres du caucus québécois conservateur, leur demandant de transmettre leurs préoccupations au conseil des ministres.

«(Il est) extrêmement important, je pense, que les membres et les parlementaires du Québec au niveau des conservateurs soient à l'écoute de ces questions-là. Parce qu'ils sont aux premières loges pour vraiment comprendre la situation», a-t-il affirmé.

Au bureau de M. Toews, on a indiqué que le ministre avait discuté de la situation avec le chef national de l'Assemblée des Premières Nations, Shawn Atleo, et que l'on échangeait avec un seul interlocuteur.