L'explosion du nombre de lieux de culte et d'organismes religieux inquiète les responsables municipaux, qui se voient privés de dizaines de millions de dollars en impôts fonciers. Résultat: les arrondissements de Montréal recevront l'aide d'un comité mis sur pied par la Ville.

Ce comité de «huit ou neuf personnes», a appris La Presse, est en pleine formation. Il devrait notamment comprendre des urbanistes et des fonctionnaires, mais pas d'élus. Officiellement appelé «Groupe de soutien et d'expertise sur les lieux de culte», il aura le mandat de conseiller les arrondissements et de leur donner des pistes d'intervention.

Concrètement, on compte sur ce comité pour mieux gérer la cohabitation entre les pratiquants et le voisinage, explique Renée Pageau, porte-parole à la Ville. «On parle d'événements publics, de zonage, de fréquentation, de sécurité, de stationnement.»

Actuellement, estime Richard Bergeron, chef du deuxième parti de l'opposition à Montréal, «c'est le fouillis total». «Plusieurs lieux de prière ne sont pas enregistrés. On constate qu'il y a un jeu du chat et de la souris. Quand l'administration ne sait plus ce qui se passe, c'est un problème.»

Autre enjeu: la valeur totale des lieux de culte exemptés d'impôts fonciers a subitement doublé depuis six ans. Selon les plus récents rapports obtenus par La Presse, cette valeur est passée de 1,1 milliard en 2004 (pour 832 lieux de culte) à 2,4 milliards en 2010 (pour 1172 lieux). Une évaluation qui pourrait théoriquement rapporter plus de 96 millions.

Impossible d'avoir un portrait clair du phénomène par secteur. Les demandes de La Presse aux 19 arrondissements ont permis de recevoir une collection de données disparates. Certains, comme Montréal-Nord et Ville-Marie, préparent justement un portrait plus complet de la situation, mais la plupart reconnaissent disposer d'une liste incomplète. «Certains lieux de culte s'installent sans demander de permis d'occupation», précise Ysabelle Brault, de l'arrondissement de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles.

«Recenser les lieux de culte est une opération très délicate: ça change aux six mois», explique la chercheuse Annick Germain, de l'INRS.

Le Conseil interculturel de Montréal a publié un rapport sur le sujet, il y a un an et demi. «On entendait parler, dans des reportages et autour de nous, des difficultés en lien avec l'harmonisation sociale», explique l'ancien président de l'organisme, Habib El-Hage.

Ses deux principales recommandations: créer un registre pour recenser les lieux de culte connus et faire de l'«urbanisme social». «On dit à la Ville: Quand vient le temps de prendre une décision, ne regardez pas seulement le plan d'urbanisme, innovez.»

La création d'un comité d'experts par la Ville est «une percée importante, dit-il. C'est très novateur.»