Les procureurs de la Couronne du Québec se sont prononcés unanimement en faveur d'un mandat de grève générale illimitée ce week-end. Si les négociations avec Québec demeurent dans l'impasse, ils pourraient descendre dans la rue dans «un délai assez rapproché», a indiqué le président de l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales du Québec (APPCP), Christian Leblanc. Un tel débrayage ralentirait considérablement les activités des tribunaux.

Réunis samedi en assemblée générale à l'hôtel Omni, à Montréal, les 360 membres de l'APPCP - qui en compte 450 - présents ont poussé un cri de joie à l'annonce de l'issue du vote. Les applaudissements ont fusé, suivis du «Olé, olé, olé», qu'on entend plus fréquemment chez les partisans du Canadien que chez les procureurs de la Couronne.

«Il faut que les choses se soient détériorées de façon très importante pour que des procureurs de la Couronne en arrivent à voter unanimement pour une grève qui, ils le savent, aura des conséquences importantes sur l'administration de la justice», a déclaré Me Leblanc à l'issue du vote.

Le coeur du litige porte sur la rémunération. Selon l'APPCP, le salaire des procureurs de la Couronne du Québec est de 40% inférieur à la moyenne canadienne. Au sommet de l'échelle, les procureurs québécois gagnent 102 700$, alors que leurs collègues des autres provinces reçoivent de 135 000$ à 140 000$ par année. L'APPCP réclame un rattrapage salarial, ce à quoi n'a pas acquiescé le gouvernement. Les négociations achoppent, malgré l'intervention d'un conciliateur.

Selon Me Leblanc, l'écart salarial nuit au recrutement des procureurs et à la rétention des effectifs. Il manquerait actuellement 200 procureurs au Québec pour que le nombre de procureurs par habitant rejoigne la moyenne canadienne. Me Leblanc déplore que, par manque de ressources, les procureurs ne puissent faire leur travail correctement. Plusieurs disent même faillir à leurs obligations déontologiques. «On a des procureurs qui n'interjettent plus appel parce qu'ils n'ont plus le temps de rédiger les procédures, raconte-t-il. Et des sentences qui sont négociées au rabais pour désembourber le système et enlever un peu de pression.»

Conséquences d'une grève

Le système de justice du Québec emploie 450 procureurs de la Couronne. Une entente déjà conclue devant le Conseil des services essentiels prévoit qu'en cas de grève, 50 procureurs seront désignés quotidiennement par l'employeur pour maintenir certains processus judiciaires. Les comparutions, les enquêtes sur la mise en liberté, les enquêtes préliminaires, les dossiers remis, les procès devant jury qui ont déjà commencé et l'audition des dossiers dont la date de prescription arrive à échéance dans les 30 jours suivants ne seront pas touchés. Les procureurs en chef et leurs adjoints pourront également plaider dans l'éventualité d'un conflit. Selon Me Leblanc, il y a environ une cinquantaine de cadres au Québec et 40 points de service. Les procureurs de la Couronne ont obtenu le droit d'exercer la grève en 2003. Si le mandat de grève est exécuté, il s'agirait du premier débrayage des procureurs.

L'APPCP pourrait par ailleurs tenir une grève simultanément avec l'Association des juristes de l'État, dont les membres ont voté un mandat de grève générale illimitée le 17 janvier.

De son côté, le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, n'a pas réagi aux résultats du vote ce week-end. Son attaché de presse s'est borné à indiquer que le ministre considérait que les négociations se poursuivaient et qu'il avait bon espoir de parvenir à une entente négociée. Même son de cloche du côté du Conseil du Trésor, chargé des négociations dans ce dossier. Selon l'attachée de presse de la présidente du Conseil, Isabelle Mercille, des rencontres avec le syndicat sont prévues cette semaine.