Faire à répétition des apparitions sur la place publique façon Jacques Parizeau ou Lucien Bouchard, très peu pour Monique Jérôme-Forget. Si elle a décidé de le faire aujourd'hui, c'est qu'elle est très préoccupée par l'endettement personnel des Québécois. Elle se sent d'autant plus à l'aise de parler «qu'il s'agit d'une question économique plus que politique».

«Ça me préoccupait déjà quand j'étais ministre des Finances, a-t-elle dit au cours d'une entrevue avec La Presse, il y a quelques jours. Dans ma circonscription, nous avions dû accompagner de jeunes familles qui avaient plusieurs cartes de crédit. Je me souviens d'une personne qui payait sa gardienne avec sa marge de crédit et d'autres qui devaient 3000$ ou 5000$ à Hydro-Québec.»

Ce qui continue d'inquiéter particulièrement Monique Jérôme-Forget, «c'est l'avalanche de cartes qui sont offertes aux gens et la facilité du crédit, notamment auprès de magasins qui offrent des réductions à l'achat quand on se procure leur carte».

D'après une étude menée auprès de 20 pays de l'OCDE, le Canada arrive en tête du crédit à la consommation, un titre peu glorieux, signale Mme Jérôme-Forget.

Bien sûr, il est difficile de se passer de carte de crédit, et loin d'elle l'idée d'en réfuter l'utilité. Quand on se trouve à l'étranger ou quand on souhaite acheter un bien par internet, il n'y a rien de tel.

Par contre, quand on utilise ses cartes de crédit pour payer un voyage ou un luxe que l'on n'a pas les moyens de s'offrir, c'est autre chose, nuance Mme Jérôme-Forget.

L'ennui, dit-elle, c'est que les plus dépensiers ne se disciplineront pas d'eux-mêmes et que Québec ne peut agir seul puisque les banques sont de compétence fédérale. Et même si Québec pouvait aller de l'avant seul, «cela nous donnerait une image extrêmement négative».

Le mieux, dit-elle, serait qu'il y ait réflexion sérieuse sur la question dans l'ensemble du Canada. Faudrait-il limiter le nombre de cartes de crédit qu'une personne peut détenir? Refuser une autre carte dès qu'une personne n'arrive pas à payer celles qu'elle a déjà? Faire plus de sensibilisation et proposer des lignes directrices aux citoyens - comme on le fait pour le pourcentage des revenus à consacrer au logement - quant au taux d'endettement à ne pas dépasser par rapport aux revenus?

À ceux qui rétorqueraient que le budget du gouvernement du Québec est lui-même dans le rouge et qu'un grand programme d'infrastructures de 40 milliards en 4 ans a même été lancé sous Monique Jérôme-Forget, celle-ci fait valoir qu'il s'agit là «d'entretenir son patrimoine», tout comme il est judicieux de réparer son toit, même si cela coûte cher, pour s'assurer que les fondations de sa maison restent en bon état.

Quelle mise de fonds?

Autre source d'inquiétude pour Monique Jérôme-Forget: la faible mise de fonds que l'on demande aux acheteurs d'une maison. «Je sais, dit-elle, que le ministre des Finances en poste à Ottawa est aussi très préoccupé par cela.»

Officiellement, la mise de fonds minimale à l'achat d'une maison est de 5%. Dans les faits, comme l'a récemment constaté La Presse, nombreuses sont les banques qui offrent une remise en argent équivalente à ces 5% quand les gens ne l'ont pas. Ces banques «font ainsi indirectement ce qu'elles ne peuvent faire directement», note Mme Jérôme-Forget.

À tout le moins, dit-elle, il est impératif de s'assurer que la règle des 5% soit respectée et même de réfléchir à la pertinence de hausser cette mise de fonds minimale à 10%. Peut-être aussi, ajoute-t-elle, pourrait-on faire en sorte que les banques assument elles-mêmes une plus grande part du risque. Alors peut-être seraient-elles moins enclines, dit Mme Jérôme-Forget, «à prêter à 100%».

À l'heure actuelle, en deçà d'une mise de fonds de 20%, les prêts sont assurés par la Société canadienne d'hypothèques et de logement ou par deux assureurs privés.

Il reste que, pour un ministre des Finances, signale Mme Jérôme-Forget, ces questions soulèvent toujours un dilemme. «Faut-il se montrer plus ouvert ou alors forcer les jeunes familles qui veulent s'acheter une maison à faire un plus gros dépôt?»