Près de 40% des exploitations agricoles dont la vente ou la cession sont prévues dans un délai de cinq ans n'ont pas de relève désignée ou craignent la fermeture. C'est ce qu'indique le Profil de la relève agricole au Québec 2007, que vient de publier le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ).

Alors que 72% des fermes qui devaient changer de mains avaient une relève prévue en 1995, elles n'étaient plus que 61% dans ce cas en 2007. Les autres étaient «sans relève désignée» (31,1%) ou à «relève incertaine» (8,1%). «La proportion des exploitations ayant une relève désignée a diminué progressivement», note le MAPAQ.

Par «relève désignée», on entend généralement les enfants des agriculteurs, moins nombreux et moins intéressés qu'avant à reprendre la ferme familiale. Résultat: la province perd «grosso modo une ferme par jour», déplore Frédéric Marcoux, président de la Fédération de la relève agricole du Québec. Mille exploitations agricoles cessent leurs activités chaque année, mais de 600 à 700 seulement voient le jour.

Plus rentable de démanteler la ferme

«Il n'y a aucune mesure pour décourager le démantèlement des fermes», regrette Diane Parent, professeure au département des sciences animales de l'Université Laval. Trouver un jeune qui peut payer 2 millions de dollars pour une ferme laitière est difficile, tandis que tout vendre à l'encan pour récupérer cette somme l'est moins. «C'est pourtant très désolant quand une ferme disparaît», estime Mme Parent.

Au total, 3300 fermes devaient être vendues, cédées ou fermées entre 2007 et 2012, soit plus de 11% des 29 300 exploitations agricoles qui restent au Québec, selon le Profil de la relève agricole.

«Dans plusieurs productions - bovines, porcines, ovines -, le contexte est plus difficile depuis quelques années», souligne M. Marcoux. Moins la ferme rapporte, plus l'avenir est incertain: le tiers des fermes sans relève désignée ont des revenus agricoles de moins de 50 000$ par an. Une sur deux rapporte moins de 100 000$ par an. «Mais seulement 9,6% des fermes sans relève désignée ont un chiffre d'affaires de 50 0000$ et plus», observe M. Marcoux.

Le Fonds pour la relève se fait attendre

Il y a de l'espoir: le gouvernement a annoncé en juillet dernier la création du Fonds d'investissement pour la relève agricole, doté de 75 millions de dollars. Malheureusement, ce fonds ne s'est toujours pas concrétisé. «Il y aura éventuellement une annonce d'ici peu, on le souhaite», indique Clément Falardeau, relationniste au MAPAQ.

«On s'attend à aider de 60 à 100 jeunes à démarrer leur ferme avec ce fonds, dit M. Marcoux. C'est la plus belle nouvelle qu'a jamais eue la relève.» Diane Parent, de l'Université Laval, est plus nuancée: «Il faudra voir à l'usage si ça va aider. Je n'en suis pas convaincue, même si je l'espère.»

Le temps presse: près de la moitié des exploitants qui n'ont pas désigné de relève ont 60 ans et plus. Un sur cinq a entre 55 et 59 ans.

***

Évolution du nombre de fermes

> 29 300 fermes au Québec

> 8000 fermes ont disparu en 20 ans

> À l'heure actuelle, 1000 cessent leurs activités chaque année

> De 600 à 700 nouvelles fermes sont fondées chaque année

> Déficit de 300 à 400 fermes par an

Sources: Union des producteurs agricoles, Fédération de la relève agricole du Québec, MAPAQ.