Au grand soulagement de l'industrie touristique, les motoneiges peuvent glisser dans les champs du Québec: le ministre de l'Agriculture, Laurent Lessard, et l'Union des producteurs agricoles (UPA) ont réussi à s'entendre.          

L'UPA avait imposé un blocus des sentiers de motoneige pour faire plier le gouvernement au sujet de sa réforme de l'Assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA), géré par la Financière agricole.

Ce matin, plusieurs dans le monde rural se demanderont à quoi a servi exactement ce moyen de pression, qualifié d'«ultime» par le président de l'UPA, Christian Lacasse.

Entre le congrès de l'UPA, il y a deux semaines, et hier, le ministre Lessard n'a pas bougé: il s'était engagé à ce que, d'ici à 2013, d'éventuels surplus de la Financière agricole soient redistribués aux agriculteurs. M. Lacasse avait qualifié cet engament de «nettement insuffisant». Or, hier, son discours avait changé: «Pour nous, l'engagement du gouvernement est suffisant», a dit M. Lacasse.

»Un peu d'espoir»

Quel est cet engagement? Celui de transmettre des «orientations claires à la Financière agricole afin de compenser l'impact négatif des prochaines années». «Pour les producteurs agricoles, c'est enfin un peu d'espoir», a dit M. Lacasse.

L'an dernier, Québec a renfloué la Financière agricole. Son déficit accumulé dépassait le milliard. Québec a décrété que l'organisme devrait dorénavant fonctionner avec un budget fermé de 630 millions par année. Le tout faisait suite au rapport St-Pierre, déposé en mars 2009.

Pour s'assurer que les déficits ne reviendraient pas, Québec a introduit une mesure liée à la performance financière des entreprises agricoles. Cette mesure aurait coûté 80 millions annuellement aux agriculteurs les moins performants, selon l'UPA.

Le ministère de l'Agriculture convenait qu'environ 2500 entreprises auraient «à modifier leur structure pour assurer leur pérennité et accroître leur compétitivité».

Patrice Juneau, conseiller aux affaires publiques de l'UPA, a reconnu que l'entente annoncée hier reprend la proposition du ministre. «Ce que le gouvernement a fait ce matin (hier), c'est la même chose qu'il y a deux semaines, a dit M. Juneau. On est dans les modalités.» Or, ces modalités sont importantes, dit M. Juneau: «Notre préoccupation était de s'assurer que les gens qui subissaient un impact allaient être complètement indemnisés.»

Toutefois, cette compensation dépend de la conjoncture, ajoute M. Juneau. Il se peut qu'il n'y ait pas de surplus. «Tout dépend de comment se portera l'agriculture dans les cinq prochaines années, dit-il. La Financière agricole dit que ça fait cinq ans que ça va mal et qu'il n'y a aucune raison de penser que ça va s'améliorer. Nous, on dit qu'on a traversé le pire. Il y a un risque, mais on prétend que ça va aller de mieux en mieux.»

»L'UPA a perdu la face»

Pour Benoit Girouard, président de l'Union paysanne, qui tente de briser le monopole syndical de l'UPA, le puissant syndicat n'a «rien obtenu, pas une virgule».

«Il y a des présidents de clubs de motoneige qui se disent: «Est-ce qu'on a subi tout ça pour rien?» dit-il. On peut avoir son opinion sur la motoneige, mais l'impact du blocus sur l'économie des régions était important. L'UPA a perdu la face.»

Selon M. Girouard, l'UPA s'est trompée de cible dans sa défense de l'assurance agricole. «Si on plafonnait à 1 million l'indemnité d'assurance, comme le recommandait le rapport St-Pierre, on économiserait 150 millions. On toucherait les intégrateurs dans l'industrie porcine. On parle ici de 150 individus sur 16 000 fermes assurées par l'ASRA.»

«C'est une question de choix, dit M. Girouard. L'UPA dit qu'elle prend la défense de la ferme familiale. Mais ce n'est pas ça. Elle protège les intégrateurs.»

- Avec Hugo Fontaine