L'ex-directeur des opérations de Sécur-Action, firme à laquelle le SPVM et la SQ avaient confié la sécurité de leurs édifices, a déjà été accusé d'extorsion et de voies de fait graves, en plus d'avoir été condamné pour production de marijuana.

En septembre dernier, La Presse a publié une enquête sur les activités de Sécur-Action et le passé de ses dirigeants. Les faits nouveaux dont La Presse a pris connaissance concernent Éric Poirier, bras droit et ami du dirigeant de cette firme, Éric Beaupré. Ils permettent de mieux comprendre pourquoi Sécur-Action a été si promptement chassée des quartiers généraux du SPVM et de la Sûreté du Québec ainsi que des deux palais de justice de Montréal.

En novembre 2005, Éric Poirier a dû répondre, avec son frère et deux autres individus, à six chefs d'accusation: complot, extorsion de 200 000$, agression armée, voies de fait, voies de fait graves et menaces de mort. Cet ancien militaire du Royal 22e Régiment a dû verser une caution de 5000$ pour être libéré.

Le processus judiciaire a toutefois été arrêté en décembre 2007 parce que la Couronne ne pouvait plus compter sur le témoignage de la victime, a-t-on appris.

Ce n'est pas tout. Le 22 septembre 2008, au palais de justice de Laval, Éric Poirier a été condamné à un an de prison à purger dans la communauté après avoir plaidé coupable à une accusation de production de marijuana.

En plus de lui interdire de porter une arme pendant 10 ans, le Tribunal a ordonné qu'il demeure à son domicile en permanence durant les quatre premiers mois.

M. Poirier a été embauché à Sécur-Action en septembre 2009, alors qu'il finissait ou venait tout juste de finir de purger sa peine, a appris La Presse.

Nous avons demandé à MM. Beaupré et Poirier de commenter ces faits, mais ni l'un ni l'autre n'ont rappelé La Presse. M. Beaupré a toujours soutenu qu'il avait perdu de vue son ami pendant des années.

Au mois de septembre, notre enquête a notamment révélé qu'Éric Poirier avait déjà été condamné pour une autre histoire de voies de fait au Vieux Shack, à Saint-Jérôme, en 2008, et qu'il fréquentait des individus liés aux Hells Angels. Sécur-Action avait minimisé les faits et soutenu qu'il s'agissait simplement de rencontres de circonstance dans des bars où M. Poirier travaillait comme portier et dans un gym de Laval où il s'entraînait.

Pertes de contrats

Le maire de Montréal a ordonné une enquête interne à l'automne. Ses conclusions ont entraîné l'éviction de Sécur-Action du QG du SPVM, où l'entreprise avait remplacé au pied levé une autre firme controversée, BCIA. Le nouveau chef de police, Marc Parent, s'était borné à dire que c'était en la firme qu'il n'avait pas confiance, non en ses employés.

Dans la foulée, Sécur-Action a perdu les contrats qu'elle avait pour la surveillance du quartier général de la SQ, de l'édifice qui abrite la brigade Marteau, du palais de justice de Montréal et du centre judiciaire Gouin.

Le 29 septembre, Éric Beaupré a annoncé par communiqué le congédiement de son ami Éric Poirier.

Le lourd dossier judiciaire de M. Poirier, entre autres faits troublants, n'avait pas empêché la firme d'obtenir son permis d'agence de sécurité.

Ni le Bureau de sécurité privée, qui délivre les permis d'agence et d'agents, ni la SQ, qui réalise les enquêtes, n'avaient fait de recherche sur le passé du directeur des opérations de Sécur-Action. Selon la loi, seuls les administrateurs, les actionnaires et les agents font l'objet d'une vérification. Sécur-Action estimait que le travail d'Éric Poirier ne nécessitait pas de permis. Pourtant, il avait bel et bien un rôle opérationnel. Jean-Guy Dagenais, président de l'Association des policiers provinciaux du Québec, avait déclaré que c'était un trou béant dans la loi qui encadre la profession.

À ce jour, Sécur-Action a toujours son permis. La situation ne devrait pas changer à court terme, d'autant moins que le Bureau de sécurité privée vient de perdre son directeur général, Me Serge Roberge. C'est le conseil d'administration qui assure l'intérim en attendant de lui trouver un successeur.

Sécur-Action patrouille dans les rues d'Outremont et surveille l'édifice au centre-ville où sont situés les bureaux du contrôleur général et du vérificateur de la Ville de Montréal. Le contrôleur est chargé d'enquêter sur les employés et les cadres municipaux soupçonnés de fraude et autres irrégularités.