L'enquêteur correctionnel du Canada, Howard Sapers, sonne l'alarme: les prisons fédérales ne sont pas prêtes à faire face à l'augmentation de la population carcérale causée par les nombreux projets de loi du gouvernement conservateur en matière de justice.

«On peut s'attendre à ce qu'il y ait des milliers de détenus supplémentaires d'ici cinq ans. L'effet se fait déjà sentir sur la population carcérale, a déclaré M. Sapers mercredi en conférence de presse. Les services correctionnels du Canada n'ont ni l'espace, ni les ressources, ni les programmes pour faire face à cette situation.»

Dans son quatrième rapport trimestriel sur les morts en établissement, qu'il a présenté mercredi, l'enquêteur correctionnel souligne à quel point les pénitenciers fédéraux ont déjà de la difficulté à remplir adéquatement leur mandat, une situation qui ne fera que se détériorer, selon lui, dans les prochaines années. Il estime ainsi que le gouvernement fédéral devra inévitablement construire de nouvelles prisons, et vite.

Imposition de peines minimales, fin de la déduction du double du temps passé en détention préventive au moment de l'établissement de la peine, peines plus sévères pour certains crimes violents; les conservateurs de Stephen Harper ont fait adopter dans les dernières années de nombreux projets de loi qui auront pour effet d'augmenter considérablement le nombre de détenus dans les prisons fédérales.

En juin dernier, le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, a estimé que la seule Loi sur l'adéquation de la peine et du crime (qui fait en sorte que le temps passé en détention préventive n'est plus compté en double avant d'être déduit de la peine), coûterait au gouvernement fédéral un milliard de dollars par année.

Cet été, Ottawa a commencé à annoncer la construction de nouvelles cellules dans certains établissements pour faire face à l'augmentation de la population carcérale.

Deux détenus par cellule

Mais un quotidien de Kingston, The Whig Standard, a révélé le mois dernier que le Service correctionnel canadien a modifié ses règles pour permettre, à plus grande échelle, de mettre deux détenus par cellule dans les pénitenciers fédéraux, tellement le manque de place s'annonce criant.

«Mettre deux détenus par cellule pose un défi supplémentaire aux gardiens, a déclaré M. Sapers. Dans l'histoire canadienne et dans d'autres pays, il en est résulté une baisse des cas de suicide mais une augmentation des homicides.»

La perte d'intimité pourrait aussi, selon lui, être un problème important pour les détenus atteints de problèmes mentaux, qui comptent pour de 25 à 30% de la population carcérale, selon les estimations des services correctionnels.

«L'engorgement des prisons est une préoccupation de taille, a dit M. Sapers. À court terme, ce qu'on voit, c'est davantage d'incidents violents, de blessures et même de morts. Ça crée un environnement qui n'est sûr ni pour les détenus, ni pour les employés.»

«Les implications à long terme, c'est que les services correctionnels, dans ce contexte, dans cet environnement, ne peuvent pas être efficaces, a-t-il ajouté. Les Canadiens paient très cher pour ces services et ils méritent d'avoir des résultats pour cet investissement.»

Entre autres lacunes, l'enquêteur note les interventions en cas d'urgence médicale inadéquates, la prévention insuffisante et la gestion défaillante des détenus atteints de troubles mentaux.

Depuis la mort d'Ashley Smith, qui avait fait beaucoup de bruit en 2007, plus de 130 délinquants sous responsabilité fédérale sont morts, note le rapport. Selon Howard Sapers, certains de ces décès auraient pu être évités.