«Cerfs-volants interdits», proclame un panneau jaune vif au parc Milliken de Toronto, où les immigrés d'Asie du sud se livraient jusqu'à récemment des batailles aériennes spectaculaires, un loisir qu'ils avaient introduit au Canada.

L'interdiction a été décidée pour des raisons de sécurité : le parc était plein de fils de nylon tranchants, risquant de blesser aux pieds les promeneurs et d'étrangler les oiseaux, a affirmé à l'AFP un membre du conseil municipal, M. Chin Lee.

«En trois ans, j'ai reçu au moins cent plaintes», a-t-il expliqué.

Reste que nombre d'habitants d'origine afghane, pakistanaise, indienne, bengalie ou chinoise sont désormais privés de leur passe-temps favori qu'ils pratiquaient sur les beaux gazons de ce parc de 32 hectares, pendant que leurs familles et amis pique-niquaient ou se doraient au soleil.

Pour eux, la décision arrivée le 17 août a été un coup de tonnerre dans un ciel clair - et coloré.

Des dizaines d'amateurs de cerfs-volants se sont rassemblés à Toronto pour protester et discuter avec M. Lee, venu à leur rencontre.

«Laisse- nous faire voler les cerfs-volants», «Interdisez les fils synthétiques, pas les cerfs-volants», déclaraient leurs panneaux aussi colorés que leurs jouets aériens.

M. Lee, arrivé avec de grosses pelotes de fils de cerf-volant dans les bras, a déclaré comprendre leurs sentiments. «J'ai fait voler des cerfs-volants dès l'âge de trois ans», a dit l'élu d'origine sino-malaisienne.

«Ce sont les fils qui posent problème, pas les cerfs-volants», a-t-il expliqué, affirmant que les fils coupés pendant les batailles aériennes jonchaient copieusement le parc.

De telles batailles peuvent opposer des dizaines d'équipes et des centaines d'engins et durer jusqu'à quelques heures.

Les cerfs-volants doivent d'abord atteindre un certain plafond dans le ciel, puis leurs pilotes commencent à tirer leurs fils aussi vite que possible tout en tentant de couper les fils des autres s'ils se trouvent sur leur chemin. De très fins fils métalliques ou synthétiques, très résistants, sont utilisés.

En Inde, au Pakistan et au Bangladesh, des centaines de cerfs-volants sont lancés quotidiennement depuis les toits des maisons ou dans les champs et leurs évolutions font partie de toute fête populaire.

Le parc Milliken n'est pas le premier à Toronto à les bannir. Il y a sept ans, la même mesure a été prise par le parc Bluffer, sur les rives du lac Ontario. Des propriétaires de bateaux à moteurs s'étaient plaints de voir les fils tombés à l'eau se prendre dans leurs hélices.

Dans les deux endroits, passer outre l'interdiction peut coûter au contrevenant une amende de 100 dollars.

Les amateurs peuvent toujours se rabattre sur quelques autres parcs de Toronto, où leur sport est autorisé, mais les habitants du quartier du parc Milliken insistent pour retourner à cet endroit proche de leurs maisons.

Gogi Malik, 40 ans, président du Club de combat (aérien) Gogi, a dit à l'AFP qu'il était «très en colère» à cause de l'interdiction. «On n'aurait jamais dû faire cela», ajoute le Canadien d'origine pakistanaise, précisant que les membres de son club, actifs au parc Milliken depuis six ans, effaçaient toujours toutes les traces de leurs activités.

La ville de Toronto doit réexaminer sa politique en la matière dans quelques semaines.