L'affaire a fait jaser jusqu'en France. Même Libération s'est intéressé à cette curieuse histoire provenant de Kahnawake, où des Amérindiens entendent pousser une poignée de Blancs hors de la réserve sans ménagement. Et l'amour, dans tout cela?

Les médias ont détourné le regard, mais à Kahnawake, on continue de chuchoter et la menace d'expulsion pèse toujours sur une vingtaine de Blancs vivant en couple avec des Amérindiens. Quand on aborde le sujet, on nous répond à voix basse. «Vous comprenez, parler de cela, ce n'est pas bon pour les affaires, dit une commerçante. Mais sachez que je ne suis pas d'accord avec cette idée-là.»

Dans la réserve, elle est la seule à tenir ouvertement ce discours. «C'est parce que ceux qui pensent comme moi se taisent», croit-elle.

Il y a quelques semaines, 146 personnes ont pourtant signé une pétition afin de protester contre l'expulsion des Blancs. Le journal local, l'Eastern Door, a aussi publié une série d'éditoriaux dénonçant ce projet.

Michael Bush, un des chefs du conseil de bande, prend acte de la pétition, mais apporte ses bémols. «Sur les 146 noms, il y avait aussi des enfants», dit-il en entrevue.

Il reste que jusqu'ici, le conseil de bande n'a pas mis ses menaces à exécution et personne n'a encore été expulsé.

Il faut se garder de conclure que le conseil de bande cherche à abandonner le projet en douce. Au contraire, dit M. Bush, il est en train d'étudier la façon de procéder, d'un point de vue légal.

Il ne s'agit pas de vérifier si le conseil a le droit d'agir de la sorte. «Nous savons que nous avons le droit d'aller de l'avant. Nous voulons cependant nous assurer de le faire dans les règles de l'art.»

Plus d'unanimité

Cela dit, contrairement à l'hiver dernier, la question ne fait plus l'unanimité au conseil de bande. «Une ou deux personnes ont changé d'avis. On ne sait pas lesquelles. Elles ont parlé à l'Eastern Door sous le couvert de l'anonymat», précise M. Bush.

«Si les Canadiens ont le droit de décider qui a le droit d'obtenir la citoyenneté canadienne, poursuit-il, je ne vois pas pourquoi il n'en serait pas de même pour nous. Le Canada a ses lois en matière d'immigration, il est normal que nous ayons le droit de déterminer qui peut habiter sur le territoire.»

Dans toute cette affaire, Waneek Horn-Miller, qui a déjà participé aux Jeux olympiques en water-polo, a été particulièrement échaudée. Enceinte et en train de se bâtir une maison, elle a fait l'objet d'une pétition de ses voisins réclamant son départ et celui de son conjoint blanc.

Une affaire interne?

L'Assemblée des Premières Nations ne s'est jamais prononcée sur la question des expulsions. Le ministre des Affaires indiennes, Chuck Strahl, continue de penser que les Amérindiens sont souverains sur leur territoire et qu'il s'agit strictement d'une affaire de politique interne.

Ellen Gabriel, présidente de Femmes autochtones du Québec, s'est inscrite en faux contre cette interprétation, rappelant que le ministre avait tout le loisir d'invalider de telles politiques.

Si le conseil de bande décide d'aller de l'avant et que les Blancs de Kahnawake et leurs conjoints mohawks décident de ne pas broncher, ne doit-on pas redouter un bain de sang ?

«Pas du tout, estime Tracy. Il suffit qu'un groupe d'Amérindiens frappe à une porte pour que le Blanc parte. J'ai déjà vu ça, moi, il y a une vingtaine d'années. Les gens avaient procédé comme cela, en groupe, et avaient encerclé une femme qui vivait dans une tente-roulotte sur le terrain de son beau-père. Quand elle a vu tout le monde arriver, elle a compris. Le lendemain, elle n'était plus là.»