Les conséquences du printemps particulièrement sec se font sentir : plus de 28 000 hectares de la forêt boréale se sont envolés depuis mardi. Et le bilan pourrait s'alourdir. Une équipe de La Presse s'est rendue dans la communauté de Wemotaci, en Haute-Mauricie, afin de constater l'ampleur des dégâts.

Plus de 600 pompiers s'efforcent depuis trois jours de combattre les violents incendies qui ravagent des milliers hectares de la forêt boréale. Malgré l'arrivée de renforts aujourd'hui, les pompiers ne sont pas au bout de leurs peines puisque le temps devrait rester sec pendant encore au moins cinq jours.

Au moment de mettre sous presse, 63 incendies faisaient toujours rage au Québec, dont une quinzaine n'étaient toujours pas circonscrits. Le secteur le plus touché est celui de la Haute-Mauricie, où une dizaine de violents incendies n'étaient toujours pas maîtrisés hier soir. Des brasiers importants ont également envahi les forêts de la Jamésie, de l'Abitibi-Témiscamingue, du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de Lanaudière. En tout, au moins 28 800 hectares se sont envolés en fumée, soit l'équivalent de plus de 14 000 terrains de football. Ce bilan devrait s'alourdir au cours des prochains jours puisque l'épaisse fumée installée au-dessus de plusieurs zones incendiées empêche les experts de chiffrer tous les dégâts.

La majeure partie de ces incendies ont été causés par la foudre tombée mardi durant les orages qui ont sévi un peu partout au Québec, a indiqué la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU).

«Les conditions sont explosives», a expliqué hier le coordonnateur de l'information de la SOPFEU, Gérard Lacasse. «Nous traversons une période de sécheresse importante et la forêt ne s'est pas encore régénérée. Les aiguilles des conifères sont à la fin de leur cycle de vie et sont donc très sèches, ce qui contribue à accélérer la propagation du feu.»

Renforts

Selon M. Lacasse, d'autres incendies risquent de se déclarer dans les prochains jours. «Lorsque la foudre frappe un arbre, le feu peut couver dans les racines jusqu'à huit jours. Le trou causé par l'éclair dans le tronc permet à l'oxygène de le nourrir. Lorsque la pluie cesse de tomber et que le bois devient sec, les flammes s'attaquent à la forêt.»

Pour limiter les dégâts, la SOPFEU a demandé des renforts. À compter d'aujourd'hui 105 pompiers spécialisés du Nouveau-Brunswick, de l'Alberta et de la Nouvelle-Angleterre viendront prêter main-forte à leurs collègues du Québec. La SOPFEU a également réclamé 160 pompiers additionnels au Centre interservices des incendies de forêt du Canada. Deux avions-citernes provenant du Manitoba viendront s'ajouter aux 14 avions de la SOPFEU. Une cinquantaine d'hélicoptères ont également été mobilisés.

«Le travail des pompiers au sol est dur et très long, a expliqué Gérard Lacasse. En ce moment, on se concentre sur la protection des infrastructures et des vies humaines. Les opérations risquent de prendre du temps puisqu'on ne prévoit pas de précipitations avant plusieurs jours.»

Dans les prochaines heures, la SOPFEU va se concentrer sur les incendies les plus susceptibles d'être rapidement contenus et fera de la surveillance dans les autres zones.

Évacuations et routes bloquées

Le feu a également forcé l'évacuation des 1300 habitants de la réserve autochtone de Wemotaci vers La Tuque (voir autre texte) mercredi soir. Environ 70 membres de la communauté d'Obedjiwan susceptibles d'être incommodés par la fumée ont également été déplacés à Roberval par mesure préventive. En soirée, 300 résidants de la réserve de Manouane, près de Joliette, ont aussi dû quitter leur village.

Selon la Sécurité civile, il est trop tôt pour savoir si des compensations financières seront accordées aux sinistrés.

Par mesure de sécurité, la route 25 a été complètement fermée à la circulation entre La Tuque et Wemotaci. La route 10 a également été fermée, et d'autres pourraient subir le même sort aujourd'hui, a indiqué Éloïse Cossette, porte-parole de la Sûreté du Québec.

Par ailleurs, la ministre de la Faune et des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau a également annoncé hier soir que l'accès à la forêt était prohibé jusqu'à nouvel ordre sur un territoire situé au nord de la région de la Mauricie et à l'ouest du Lac Saint-Jean.

La SOPFEU a aussi suggéré aux sociétés forestières de limiter leurs travaux, particulièrement dans les régions plus durement touchées. Leur machinerie peut causer des étincelles qui risquent de provoquer des incendies.

Les feux à ciel ouvert sont également interdits au nord du fleuve Saint-Laurent jusqu'à Baie-Comeau.

À pareille date l'an dernier, 10 incendies de forêt faisaient rage au Québec. La situation actuelle n'est toutefois pas exceptionnelle puisque des incendies d'une intensité similaire ont eu lieu aux printemps 2002, 2005 et 2007, a indiqué Gérard Lacasse.