L'agence de sécurité BCIA avait de criants problèmes de gestion, selon le rapport du syndic remis à l'assemblée des créanciers hier. Ces problèmes expliquent sa faillite et la perte de millions de dollars en fonds publics.

La quarantaine de personnes réunies au Château Champlain attendaient impatiemment le PDG de BCIA, Luigi Coretti. Il n'est finalement pas venu. Le syndic a dit avoir reçu un certificat de maladie signé par un médecin.

Les actionnaires et principaux créanciers de l'entreprise perdent tout, selon le syndic. Parmi eux, le Mouvement Desjardins perd une dizaine de millions de dollars et le gouvernement du Québec, environ 4 millions, par l'entremise des fonds FIER et d'Investissement Québec.

En novembre, Investissement Québec et Desjardins avaient pourtant estimé que l'entreprise était en pleine santé et lui avaient accordé un nouveau prêt. Or, le syndic Stéphane Lachance, de Demers Beaulne, a énoncé jeudi une série de carences administratives importantes.

D'abord, l'entreprise louait un immeuble et un parc de véhicules beaucoup trop imposants pour son volume d'affaires. Ensuite, la division du transport de valeurs perdait 500 000$ par année depuis deux ans. Ses nombreux litiges en Cour avec ses employés et ses clients coûtaient cher, comme sa gestion des ressources humaines.

«C'est sûr et certain qu'il y a eu des erreurs flagrantes de gestion. L'entreprise a mis la charrue devant les boeufs, investissant trop en immobilisation, en camions et dans un immeuble alors que les contrats n'étaient pas au rendez-vous», a déclaré M. Lachance, qui n'a pu dire s'il y a eu fraude ou pas.

Quelque 800 employés travaillaient pour l'agence montréalaise au Québec, et environ 200 autres en Ontario. Presque tous ces agents de sécurité ont déjà repris du service sur les lieux de travail où ils se trouvaient déjà, mais pour le compte des agences appelées à remplacer BCIA.

«Pour les employés, la faillite est un soulagement, a dit Dominic Lemieux, le représentant du Syndicat des métallos. Ils pourront tourner la page et réclamer leur dû. La saga BCIA, c'est terminé.»

Devant les tribunaux

En moyenne, BCIA doit entre 2000 et 3000$ à chaque employé, pour une somme globale estimée à 1,6 million. Grâce au Programme de protection des salariés administré par le gouvernement fédéral, les employés obtiendront jusqu'à 3200$ chacun.

Certains ex-employés n'auront pas la même chance. C'est le cas de Jean-Pierre Bédard. L'ex-policier soutient que BCIA a fait pendant trois ans des retenues à la source sur son salaire sans les remettre aux autorités fiscales. Un beau jour, le fisc lui a réclamé 36 000$ d'impôts sur l'argent qu'il avait gagné durant ces trois années, jusqu'à sa démission, en juin 2008.

Jean-Pierre Bédard a dû acquitter la facture, notamment en épuisant son REER. En décembre dernier, il a été obligé de déclarer faillite. Comme d'autres policiers aux prises avec le même problème, il a poursuivi BCIA et Luigi Coretti, mais avec la faillite de BCIA, ses chances de récupérer son argent sont minces. «On va probablement gagner en Cour, mais va-t-on avoir une cenne?»

Pendant ce temps, Investissement Québec et Desjardins se demandent comment ils ont pu investir dans une entreprise si mal gérée et qui leur a occasionné autant de pertes. Un juricomptable a été embauché.

Jeudi, Desjardins a fait nommer quatre des cinq inspecteurs requis pour administrer la faillite. Le cinquième est Dominic Lemieux, du Syndicat des métallos.

Le syndic procédera à la liquidation de tous les biens de BCIA. Cette liquidation ne comprend pas les biens personnels de Luigi Coretti ni l'actif de ses autres entreprises, comme Transport de valeurs Centurion, de Montréal, ou Technologies Risque Sécure, de Laval.

Le syndic estime que la valeur des biens liquidés sera de quelque 3 millions de dollars. Seront remboursés en priorité les employés (1,6 million), le fisc et la CSST (800 000$), et le prêteur temporaire Gamarco (400 000$). Tout résidu - improbable - ira à Desjardins en priorité.

Les fonds fournis par Desjardins venaient essentiellement de deux sources: des prêts de la Caisse centrale Desjardins (6,7 millions) et de l'investissement en capital-actions du fonds Capital régional et coopératif Desjardins (4 millions). Une portion du prêt de 1,3 million de Desjardins est soutenue par Investissement Québec.

Globalement, les quelque 160 créanciers auront perdu 14,6 millions dans cette affaire, somme qui s'ajoute aux investissements en capital-actions de Capital Desjardins et des Fonds d'intervention économique régionaux (FIER).