Un club sélect

Créé en novembre 2008, à la faveur de la crise financière, le G20 a le mandat de gérer les crises économiques et financières internationales. Il regroupe les leaders du G8, lui-même composé de 7 pays industrialisés (États-Unis, Japon, France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Canada, soit l'ancien G7) et de la Russie, ainsi que des autres grandes économies, notamment les pays émergents comme la Chine, l'Inde et le Brésil. Le G8 existe toujours mais se concentre sur les problèmes plus politiques, notamment en sécurité, explique Antonia Maioni, qui dirige l'Institut d'études canadiennes de l'Université McGill. Plusieurs commentateurs ont toutefois appelé à la mise à mort du G8 pour confier ses responsabilités au G20. Cela n'arrivera pas de sitôt, selon Ivan Savic, du Groupe de recherche sur le G8 de l'Université de Toronto: tout comme les membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU ne veulent pas céder leur place, ceux du G8 n'accepteront pas facilement d'avoir leur puissance militaire diluée par un forum international élargi.

>>> Voyez la liste des pays du G20

 

Une mission en évolution

Dans plusieurs discours, le premier ministre Stephen Harper a exposé sa vision des choses: continuer la réforme de la réglementation des marchés financiers, assurer la croissance du commerce mondial et surveiller les programmes de stimulus économique en cours depuis un an et demi. Il a aussi ajouté un projet personnel: améliorer la santé des femmes et des enfants dans les pays pauvres. «La mission du G20 a évolué», commente Ivan Savic de l'Université de Toronto. «On parle maintenant d'assurer la transparence et la vérification des réglementations financières nationales, plutôt que de coordonner des changements uniformes. Pour le commerce mondial, on met l'accent sur les risques des crises fiscales comme celle de la Grèce, en partie causées par les programmes de stimulus économique, et sur la poursuite des négociations de libre-échange. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard s'il y a une offensive syndicale au Canada contre les négociations de libre-échange avec l'Union européenne juste avant le sommet de Toronto. Avec un ordre du jour aussi chargé, je crains fort que la santé des femmes et des enfants soit évacuée des discussions.»

Le père du G20 est canadien

C'est Paul Martin, alors ministre des Finances du Canada, qui a lancé l'idée d'un G20 au milieu des années 90. Des crises financières en Amérique latine et en Asie avaient alors montré la nécessité d'une coordination financière dépassant le cadre du G8, a-t-il expliqué en 2005 dans la revue Foreign Affairs. «Il a réussi à former un groupe de 20 ministres des Finances en 1999, qui a servi de modèle pour le G20 actuel», indique Ivan Savic de l'Université de Toronto.

Une coopération nécessaire

C'est au XIXe siècle que la coopération financière moderne entre États a pris son envol. «Au XIXe siècle, les banquiers centraux européens se rencontraient régulièrement pour régler des problèmes communs, dit Ivan Savic de l'Université de Toronto. Dans les années 1820, par exemple, la France et la Russie avaient coordonné des ajustements dans les tarifs douaniers pour stabiliser le nouvel ordre européen. Dans les années 20, les banquiers centraux des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France et de l'Allemagne se rencontraient régulièrement. Avec la guerre, cette coopération internationale a cessé, mais elle a été relancée par l'alliance anglo-américaine. Après 1945, les États-Unis étaient tellement puissants qu'ils pouvaient régler tous ces problèmes seuls. À partir des années 60, la nécessité d'élargir cette alliance est devenue apparente, avec le Groupe des 10 en 1962, puis le G7 dans les années 70.

Pourquoi pas un G200?

C'est la question qu'a posée Kamalesh Sharma, secrétaire général du Commonwealth, à l'occasion du sommet de Pittsburgh l'automne dernier. Le G20 a beau regrouper 90% du PNB mondial, il ne représente que 10% des pays de la planète, rappelait M. Sharma. À l'inverse, la multiplication des rencontres économiques bilatérales entre les États-Unis et la Chine depuis deux ans a fait craindre à l'Union européenne que n'émerge un G2 dont elle serait exclue.

Stratégie à la canadienne

L'une des grandes victoires du gouvernement Harper, au sommet de Pittsburgh l'automne dernier, a été d'éviter l'instauration d'une taxe mondiale sur les transactions financières. Pour ce faire, il a profité de sa coprésidence du comité chargé de la réglementation des marchés financiers et s'est appuyé sur les pays du G20 qui ne font pas partie du G8, où l'opinion publique est souvent en faveur de mesures punitives envers le secteur bancaire. Peut-on établir un parallèle avec l'alliance du Canada avec des pays non alignés ou carrément socialistes, durant les années 70? Pas vraiment, répondent trois spécialistes montréalais - Antonia Maioni de McGill ainsi que Pierre Martin et Philippe Faucher de l'Université de Montréal. La différence de taille est l'ambivalence des États-Unis envers la taxation des transactions financières, réclamée par une grande portion de la population mais honnie par une portion tout aussi importante de l'électorat hostile aux interventions gouvernementales.