«Déconnecté.» «Rétrograde.» «Inacceptable.» Le cardinal Marc Ouellet est sévèrement critiqué pour ses déclarations prononcées vendredi dernier au congrès de Campagne Québec-Vie. Devant environ 200 personnes, le cardinal s'est dit contre l'avortement, même pour les victimes de viol. «Pourquoi pousser une femme victime d'un crime à en commettre un à son tour?» a-t-il lancé. Il estime qu'on doit «rouvrir très sérieusement» le débat sur la criminalisation de l'avortement. Le cardinal a aussi dénoncé la «culture de la mort» qui contaminerait, selon lui, les débats sur l'avortement et l'euthanasie. Il a également utilisé la tribune pour féliciter le gouvernement conservateur de ne pas financer les programmes de santé des femmes dans le tiers-monde, où l'avortement pourrait être pratiqué.

«Dire que les femmes violées ne devraient pas se faire avorter n'est pas seulement sans coeur. C'est complètement déconnecté de la réalité des femmes», tonne Alexa Conradi, présidente de la Fédération des femmes du Québec.

 

Selon elle, les propos du cardinal doivent être situés dans le contexte d'une «attaque constante contre le droit acquis à l'avortement». «Sous les conservateurs, il y a eu cinq projets de loi privés pour criminaliser indirectement l'avortement. M. Ouellet fait lui aussi campagne là-dessus depuis quelques semaines», rappelle-t-elle, en évoquant la récente sortie du cardinal devant la Fédération canadienne des sociétés de médecins catholiques. «La droite religieuse attaque le droit à l'avortement, et elle a l'oreille du premier ministre (Harper). Ça, c'est très inquiétant», conclut M. Conradi.

La semaine dernière, Christiane Pelchat, présidente du Conseil du statut de la femme, a qualifié de «profondément blessant» et «d'insulte à l'intelligence humaine» le discours de M. Ouellet, qui prône, selon elle, «l'infériorisation des femmes». Pour des raisons personnelles, elle n'était pas disponible hier pour faire davantage de commentaires.

La classe politique dénonce elle aussi le cardinal. «Je suis complètement outrée de ses déclarations, a lancé Pauline Marois, en marge du colloque du Parti québécois. Ce sont des luttes qui ont été faites depuis 40 ans, des droits qu'ont obtenus les femmes. Et je crois que ce serait un recul inacceptable dans nos sociétés.»

Marguerite Blais, ministre des Aînés, a aussi critiqué le cardinal. «Je suis très mal à l'aise avec ça. Je n'accepte pas ça. Ce sont des hommes qui décident pour les hommes alors que les femmes sont capables de décider pour elles-mêmes», a déclaré la ministre libérale à RDI.

Sur les réseaux sociaux hier, des internautes ont fait circuler le formulaire de demande d'apostasie proposé par le Mouvement laïque québécois, afin de dénoncer le cardinal Ouellet.

Critiqué des deux côtés

Le cardinal a été critiqué par les gens en faveur de l'avortement, mais aussi par certaines personnes qui s'y opposent. «Je pense qu'il a manqué une belle occasion de se taire», affirme l'abbé Raymond Gravel, ancien député du Bloc québécois et prêtre au diocèse de Joliette.

Il tient à préciser qu'il est contre l'avortement, qui serait devenu «banal», comme un «nouveau moyen de contraception». «Mais ce n'est pas en condamnant des femmes déjà victimes ou en les criminalisant qu'on va régler le problème. Rappelez-vous le nombre de femmes qui sont mortes quand on pratiquait les avortements de façon clandestine.»