Le visage du Canada change lentement mais sûrement. Une nouvelle étude de Statistique Canada note une forte hausse des unions mixtes au pays (union libre ou mariage entre une personne d'une minorité visible et une autre qui n'appartient pas au même groupe).

De 2001 à 2006, ce type de couple a augmenté de 33%. Il reste néanmoins assez peu fréquent. Les unions mixtes représentent maintenant 3,9% des couples au pays. «Mais la hausse est importante et elle continue, c'est certain», indique Laurent Martel, analyste à Statistique Canada.

Les unions mixtes comprennent deux types de couple : des membres de différentes minorités visibles, ou un membre d'une minorité visible et un autre appartenant à la majorité. C'est ce dernier type qui est le plus fréquent, et de loin (plus de quatre unions mixtes sur cinq).

L'augmentation des unions mixtes n'étonne pas M. Martel. «Dans les 25 dernières années, la population issue des communautés culturelles a triplé au Canada. Les couples mixtes ont donc plus de chances de se former.»

Vancouver et Toronto, les deux villes canadiennes qui comptent le plus de minorités visibles, sont aussi celles qui comptent le plus d'unions mixtes. Montréal arrive au huitième rang. L'étude de Statistique Canada montre également que la proportion d'unions mixtes varie selon les communautés ethniques. Les trois minorités visibles avec le plus grand pourcentage d'unions mixtes sont le minorités japonaise (75%), latino-américaine (47%) et noire (41%). Celles qui se mélangent le moins : les minorités chinoise (17%) et sud-asiatique (12,7%).

«Deux facteurs expliquent ces différences, avance M. Martel. Il y a d'abord la taille de la communauté. La communauté japonaise compte seulement 85 000 membres au pays. Ses membres ont donc moins de chances de trouver un partenaire au sein de leur groupe. C'est le contraire des communautés chinoises et sud-asiatiques, les plus populeuses du pays. L'autre facteur, c'est la période de l'immigration. Contrairement à l'immigration indienne ou chinoise, l'immigration japonaise est assez vieille. Et on sait que la proportion d'unions mixtes est plus grande chez les enfants d'immigrants que chez les immigrants.»

Les unions mixtes sont aussi plus fréquentes chez les jeunes et chez les Canadiens plus instruits.

Intégration?

Selon le sociologue Samir Moukal, chargé de cours à l'UQAM, ces chiffres constituent une bonne nouvelle. «C'est la preuve qu'il y a intégration, et non pas ghettoïsation», soutient-il.

Cette «intégration» est, selon lui, favorisée par deux choses : «l'ouverture du Canada», qui vise à accueillir 250 000 immigrants par année, et le fait que le Canada n'ait pas de passé colonial.

Comment se compare-t-on aux autres pays ? «C'est difficile à dire, répond l'anthropologue Deirdre Meintel, professeur à l'Université de Montréal. Le problème, c'est que les pays n'ont pas tous la même définition d'une union mixte. Au Canada, la définition est raciale, on parle de minorité visible. Ça n'inclut pas un Italien ou un Portugais, par exemple.»

Selon elle, les jeunes en union mixte n'ont pas forcément l'impression de participer à un processus d'intégration. «Au contraire, ils ont souvent l'impression de former un couple avec une personne qui leur ressemble, parce qu'ils travaillent ou étudient au même endroit. Ils ne se perçoivent pas comme étant différents.»