Cette semaine se tiendra à Montréal le quatrième Sommet du millénaire, qui porte sur la pauvreté dans le monde et qui est organisé par Daniel Germain, l'homme derrière le Club des petits déjeuners du Québec. Parmi les invités de cette année figure Sarah Ferguson, duchesse d'York, qui fait maintenant carrière, entre autres, dans l'humanitaire. Nous l'avons jointe en Angleterre.

Q: Comment en êtes-vous venue à vous engager dans le Sommet du millénaire à Montréal?

R: On m'a demandé, l'an dernier, de venir parler des objectifs du millénaire pour la croissance (fixés par l'ONU). Au lieu de critiquer les gouvernements et de dire qu'ils n'arriveront pas à atteindre ces objectifs en moins de cinq ans, je crois qu'il faut plutôt les appuyer. On peut notamment les appuyer en insistant sur l'importance de réduire la mortalité maternelle. Il faut aider les femmes, leur donner des moyens. Si on le fait, tous les autres buts pourront être atteints.

Q: Mais comment pouvons-nous appuyer les gouvernements?

R: Par cette conférence, en parlant, en écrivant là-dessus, en disant qu'il ne s'agit pas d'influer sur l'avenir, mais sur le présent. Les gens peuvent faire une différence, ne serait-ce qu'en réduisant leur consommation d'électricité pour mieux protéger notre climat. Il doit y avoir plus de communication et de compassion.

Q: Éliminer la pauvreté d'ici à 2015, comme le prône l'ONU, est-ce réaliste?

R: Non. Absolument pas. Je n'y crois pas parce que je ne crois pas que les gens en font assez (pour y arriver). C'est la raison pour laquelle je suis présente à ce sommet. Daniel (Germain) a réussi à mobiliser plein de gens qui seront dans une même salle (pour aborder les questions de croissance et de pauvreté).

Q'Certains s'étonneront qu'une duchesse soit le visage d'une conférence sur la pauvreté. Qu'auriez-vous à leur répondre?

R: Voyons voir... J'ai un bureau et un partenariat avec l'ONU. Je suis ambassadrice du millénaire depuis 10 ans et je mets en pratique les objectifs du millénaire depuis 25 ans, soit bien avant que l'ONU ne les fixe. J'ai 82 écoles dans le monde - au Liberia, au Congo, etc. -, j'ai fondé Children in Crisis (qui oeuvre dans le domaine de l'éducation), je travaille maintenant en Tanzanie, j'ai fondé il y a quelques mois la Fondation Sarah Ferguson au Canada... Croyez-vous que cela fait de moi une bonne porte-parole?

Q: Et cela fonctionne comme vous le souhaitez, au Canada?

R: Les collectes de fonds sont plus difficiles ces temps-ci, mais ça va. On bâtit actuellement un centre en Roumanie. Je ne crois pas que des enfants devraient grandir dans des institutions, mais plutôt dans des bras aimants. En Europe, on compte 2,2 millions d'enfants institutionnalisés, si ce n'est davantage. Je veux que le gouvernement européen se penche sur mon centre et qu'il devienne un modèle à reproduire pour que cesse l'institutionnalisation des enfants.

Q: Les notes biographiques à votre sujet font bien état des difficultés que vous avez connues après votre divorce. À quel point a-t-il été difficile de vous refaire une vie après votre sortie de la famille royale?

R: Les gens qui me connaissent savent combien j'apprécie chaque jour qui passe. Avez-vous levé les yeux, aujourd'hui? Avez-vous vu le ciel?

Q: Heu... Oui, j'ai vu le ciel, aujourd'hui.

R: Allez, regardez le ciel, et souriez. Voyez comme c'est une belle journée. Regardez et souriez, là. C'est une si belle journée. Titre ou pas, ça ne fait pas de différence. L'idée, c'est d'apprécier et de chérir le moment présent.

Q: Votre carrière est très diversifiée. Vous avez été porte-parole de Weight Watchers, vous avez participé à une téléréalité, vous avez fait des publicités. Quel est le commun dénominateur à toutes vos activités?

R: La survie! (Rires.) Je suis une mère célibataire au travail (elle a deux filles, l'une de 19 ans, l'autre de 20 ans) et je dois boucler mon budget à la fin de chaque mois, d'autant plus que j'ai opté pour un divorce amical. De plus, je donne la plupart de mon argent aux oeuvres de charité.

Q: Quelle image les Anglais ont-ils de vous aujourd'hui, croyez-vous?

R: À 50 ans, je pense que j'ai l'image d'une femme qui ne se préoccupe plus de son image! J'ai passé toute ma vie à m'en inquiéter, à tout faire pour être acceptée. Ne pas être fidèle à moi-même, ne pas être authentique m'a fait faire bien des erreurs. Quand on atteint la cinquantaine - quel âge magnifique! -, on se rend compte que c'est correct d'être excentrique, de faire les choses qui nous plaisent, de parler du soleil ou de la spiritualité. Et si certains n'apprécient pas, c'est correct aussi.

Q: Être soi-même doit être plus facile à faire à l'extérieur de la famille royale. Y a-t-il de la place pour l'excentricité dans la royauté?

R: Sa Majesté est l'une des personnes les plus formidables que j'aie rencontrées dans ma vie. Elle a consacré toute sa vie à son devoir. C'est un grand honneur pour moi de pouvoir dire qu'elle a été ma belle-mère.

Q: La notoriété n'est-elle pas lourde à porter? N'avez-vous jamais eu envie d'une vie plus privée, à l'abri des regards?

R: Je ne le peux pas. Je vois des enfants attachés dans leur berceau ou confinés à leur berceau toute la journée. Je vois des enfants qui n'ont pas d'espoir, qui ont des malformations, qui ont des problèmes de santé mentale ou qui vivent dans des environnements malsains. Je ne peux pas fermer les yeux. Je dois attirer l'attention sur leur situation et me battre pour leurs droits.

Q: Vous êtes-vous sentie appelée à prolonger l'oeuvre de Diana, à cultiver ainsi sa mémoire?

R: Vous êtes drôle, mon amie. Diana, je l'honore tous les jours. Je n'ai pas besoin de m'engager dans des oeuvres de charité pour cela. Elle était mon amie, et j'honore cette amitié en elle-même. Je fais du bénévolat depuis l'âge de 15 ans. Ma mère m'a toujours dit que je devais aider les gens qui étaient seuls (...) Ma grand-mère m'a éduquée en me rappelant que je devais chercher à aimer, non pas à être aimée, et je continue d'en faire ma devise. J'ai appuyé Diana dans ses oeuvres caritatives, comme elle l'a fait pour les miennes. Nous étions unies alors, et nous le sommes toujours. Je vais l'aimer toujours, jusqu'à ce que j'aille la rejoindre. Nous nous sommes battues pour les enfants et pour les gens qui étaient victimes de discrimination, quelle que soit leur différence. (...) Quand vous faites partie de la famille royale, on vous étiquette, mais, en réalité, vous demeurez un être humain.

Q: Toute une jeune génération de princes se cherchent des dulcinées et certaines élues s'apprêtent peut-être à faire le saut. Une bonne idée? Le recommandez-vous?

R: J'ai été très chanceuse d'avoir épousé un beau prince et d'avoir une tribune qui me permette d'attirer l'attention sur tous ceux qui sont sans voix.