Au moins une trentaine de contrevenants ont pu éviter de voir leur permis de conduire suspendu pendant trois ou même six mois grâce à la fraude d'un greffier adjoint de la Cour municipale de Terrebonne. Et ce, en dépit du fait que toutes les causes ont été réinscrites à la cour après la découverte du stratagème.

C'est ce qu'a indiqué à La Presse la Société de l'assurance automobile du Québec.

«Il y avait 270 avis de jugement qui avaient été effacés, dit Gino Desrosiers, porte-parole de la SAAQ. Dans 170 cas, la personne a plaidé coupable dans un délai de moins de deux ans. Mais dans 100 cas, c'était hors délai.» Ces 100 jugements survenus hors délai concernaient 78 personnes. De celles-ci, dit M. Desrosiers, 33 auraient dû voir leur permis suspendu.

Deux de ces personnes en étaient à leur deuxième sanction et auraient donc perdu leur permis pour six mois au lieu de trois. Par ailleurs, 10 conducteurs ayant évité la suspension étaient titulaires d'un permis de conduire probatoire - c'est donc qu'ils étaient de nouveaux conducteurs.

Le greffier, Benoit Jean, a été inculpé de fraude et de fabrication de faux.

Il a plaidé coupable au mois de novembre et connaîtra sa peine le 13 mai.

Les gestes reprochés se sont déroulés à partir du 1er janvier 2007. Mais selon la Ville, les problèmes remontent à l'embauche de M. Jean, à l'automne 2004. Il a été congédié le 14 avril 2008.

M. Jean prenait en note les verdicts prononcés par le juge, mais entrait une réponse différente dans le système informatique. «Il devait en tirer un avantage quelconque, a dit l'an dernier à La Presse Luc Papillon, directeur général adjoint de la Ville de Terrebonne. On a toutes les raisons de penser qu'il ne faisait pas ça gratuitement.»

Aucun des conducteurs n'a été accusé de complicité. La Sûreté du Québec, qui a été chargée de l'enquête, a renoncé à transmettre quelque dossier d'accusation que ce soit aux procureurs de la Couronne dans cette affaire.

«Il n'y aura pas d'accusations, dit Benoit Richard, porte-parole du Bureau régional d'enquête de la SQ à Mascouche. Il faut avoir des preuves hors de tout doute qu'une infraction a été commise dans chaque cas. Et je n'ai pas d'information comme quoi il y avait un tarif (pour les services de M. Jean).»

La Presse a tenté en vain de savoir qui étaient les conducteurs qui ont pu bénéficier des gestes frauduleux du greffier. La Ville en a transmis la liste à la SQ et à la SAAQ. De son côté, la SAAQ est impuissante à faire appliquer les sanctions prévues au Code de la sécurité routière, même si elle a été victime de fraude. «On n'aurait pas pu suspendre les permis quand même parce que, jusqu'à preuve du contraire, les conducteurs sont présumés innocents», dit M. Desrosiers.

La ministre des Transports Julie Boulet ne veut pas en rester là. «On trouve que ça pose problème et on va regarder ce qui est possible de faire avec les gens de la SAAQ», affirme la porte-parole de la ministre Jolyane Pronovost.

«Il y a une situation inéquitable, dit le député Stéphane Bergeron, critique de l'opposition en matière de transport. Il y a en qui réussissent à s'en tirer sans sanction. Est-ce qu'on ne devrait pas interrompre les délais de prescription quand il y a fraude?»