La FTQ-Construction est la cible de nombreuses attaques: on l'accuse de mainmise, d'intimidation, de tordage de bras, voire d'extorsion et de trafic de drogue dans les chantiers du Québec. Lundi, son directeur général, Richard Goyette, est monté au créneau et a lancé un avertissement : le syndicat n'a pas l'intention de laisser ternir sa réputation et répondra à toutes les attaques.

Il ne fallait pas se trouver sur le chemin du directeur général de la FTQ-Construction, Richard Goyette, lundi matin. Fâché, déchaîné, outré, ce dernier a rejeté avec une verve décapante et une bonne dose de sarcasmes l'ensemble des accusations de mainmise, d'intimidation, de tordage de bras, voire d'extorsion et de trafic de drogue dans les chantiers qui emploient des membres de ce syndicat au Québec.

«Je vais essayer d'être clair le plus possible et essayer aussi de mettre fin à un certain festival des clowns, qui ne sont pas tous dans les cirques», a-t-il balancé au début d'une conférence de presse fleuve.

Pendant 75 minutes, M. Goyette et l'avocat de la FTQ-Construction, Me Robert Laurin, ont passé à la moulinette plusieurs personnes. Parmi elles, il y avait l'ancien ministre du Travail Jean Cournoyer, le syndicaliste dissident Ken Pereira, la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, le Parti québécois, un chroniqueur politique, l'entrepreneur Jean-Yves Lepage et les médias.

Soulignant que, depuis quelques jours, des gens avaient répandu l'idée que la FTQ-Construction «gérait» les chantiers québécois, M. Goyette a énuméré point par point les étapes qui mènent à l'ouverture d'un chantier, dont l'embauche des travailleurs, a-t-il fait remarquer, est l'une des dernières. «Il faut être inculte et barbare pour répandre de telles rumeurs», a-t-il déclaré.

Il s'en est longuement pris à Jean Cournoyer, ancien ministre du Travail dans le premier gouvernement Bourassa. Sur le portail Canoë, M. Cournoyer aurait, selon M. Goyette, affirmé que la FTQ avait envoyé 50 travailleurs de Montréal en région pour «tordre des bras».

M. Goyette a mis l'ancien ministre, qu'il appelait «citoyen Cournoyer», au défi de démontrer cette allégation. «Si vous n'êtes pas un menteur, si vous n'êtes pas un imposteur, vous allez démontrer que 50 gars de Montréal ont été bougés vers les régions pour supposément prendre des employeurs sur le bras. Si vous ne pouvez pas le prouver, ce n'est pas la FTQ-Construction qui ment, c'est vous.»

Document à l'appui, M. Goyette a voulu démontrer que la paix règne davantage aujourd'hui que dans les années 70 dans les chantiers. «Cette année, il y a eu six plaintes de discrimination au Ministère. Sous le règne du citoyen Cournoyer, il y en a eu 551 entre 1970 et 1974. Peut-être qu'on fait une meilleure job que vous faisiez à l'époque.»

Émission Enquête

C'est la diffusion de l'émission Enquête à Radio-Canada, le 13 mars dernier, qui a mis le feu aux poudres. Des entrepreneurs et des travailleurs de la Côte-Nord s'y sont plaints de la mainmise de la FTQ-Construction sur les chantiers. L'émission a fait état d'un climat de peur et d'intimidation, de cas d'extorsion et de trafic de drogue.

La diffusion de l'émission a pratiquement coïncidé avec l'annonce du mandat d'arrêt lancé contre Jocelyn Dupuis, ancien directeur général de la FTQ-Construction, pour fraude envers son employeur.

Sur la question de savoir si la FTQ-Construction entend poursuivre M. Dupuis au civil, l'avocat du syndicat, Me Laurin, a répété qu'il fallait rencontrer M. Dupuis afin de départager les factures justifiées de celles qui ne l'étaient pas.

«S'il y a des dépenses qui ne sont pas justifiées, l'instruction que j'ai jusqu'à maintenant est de passer à la deuxième étape», a-t-il indiqué.

Au sujet des allégations d'extorsion et de trafic de drogue, Richard Goyette a été beaucoup plus circonspect dans ses propos, invoquant l'enquête policière en cours. «On croit que la Sûreté du Québec est capable de faire la job, au-delà des mandats politiques, a-t-il dit. Il y a aussi des gens de la Commission de la construction du Québec qui sont au dossier pour, avec l'aide de la SQ, faire la lumière sur ce qui s'est passé sur la Côte-Nord. On va attendre les résultats de l'enquête là-dessus. On ne veut pas s'ingérer.»

Il a cependant vivement réagi aux affirmations de l'entrepreneur Jean-Yves Lepage, qui a déclaré à l'émission Enquête que des travailleurs de la FTQ l'avaient menacé. Richard Goyette a affirmé que Lepage faisait fi des règles élémentaires de santé et de sécurité sur les chantiers. Il a lu des extraits d'un rapport de la CSST plutôt accablant sur les agissements de M. Lepage à la suite de la mort d'un travailleur.

Poursuites en vue

Pour terminer, Me Laurin a fait savoir que le syndicat ne tolérerait plus les allégations faites à son endroit et qu'il entendait défendre sa réputation jusqu'en cour.

«Jusqu'à maintenant, la FTQ-Construction a eu une attitude plutôt passive, évitant des remous que pourraient occasionner des débats judiciaires. Je vous dis et je vous indique en clair que cette période-là est révolue, a-t-il lancé. Il est trop facile maintenant de dire à peu près n'importe quoi sans être pénalisé. Et ça devient une mode. Et ça devient encourageant pour les journalistes les plus professionnels de verser un petit peu dans le sensationnalisme. Autrement, ils sont un petit peu marginaux. On n'a pas beaucoup réagi jusqu'à maintenant. On le fait. Des mises en demeure sont sorties (contre TVA, le Journal de Montréal et Paul Arcand). D'autres vont sortir.» Il a notamment indiqué qu'il étudiait minutieusement le contenu de l'émission Enquête.

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Non à une commission d'enquête

En parallèle aux nombreuses attaques lancées lundi matin, la FTQ-Construction a clamé haut et fort son opposition à la tenue d'une enquête publique dans le domaine de la construction au Québec. Tant le directeur général Richard Goyette que l'avocat Robert Laurin ont balayé une telle idée d'un revers de main. Pour M. Goyette, une telle commission ne serait qu'un exercice téléguidé. «Pourquoi se soumettre à une telle clownerie?» a-t-il demandé. Quant à Me Laurin, il a dit que la FTQ-Construction pourrait être la première organisation à bénéficier d'une réelle enquête des faits. Mais de la façon dont c'est mené, dit-il, il n'en est pas question.