Au Canada, les femmes qui perdent leur emploi au retour d'un congé parental d'un an n'ont pas droit à l'assurance emploi. Une situation que dénoncent les organismes de défense des femmes et des chômeurs.

En cette Journée internationale de la femme, plusieurs voix s'élèvent pour demander un changement à cette réalité méconnue de la Loi canadienne sur l'assurance emploi.

 

«La loi est injuste et discriminatoire envers les femmes, estime la présidente de la Fédération des femmes du Québec, Alexa Conradi. Elle devrait être modifiée dans les plus brefs délais.»

Comme la majorité des Canadiennes, la Montréalaise Geneviève Bourque ignorait ce qui l'attendait quand l'entreprise qui l'embauchait a fait faillite, à l'automne 2008.

Cette adjointe administrative était alors en congé de maternité. Comme elle travaillait à temps plein avant le début de son congé, elle touchait des prestations du Régime québécois d'assurance parentale (RQAP).

«Au début, je n'étais pas trop inquiète, a-t-elle dit à La Presse, qui l'a rencontrée chez elle, dans l'est de Montréal. J'étais sûre et certaine que le RQAP et l'assurance emploi, c'était deux choses à part.»

En appelant au bureau de l'assurance emploi, Geneviève Bourque a réalisé qu'elle se trompait: le gouvernement fédéral ne lui verserait pas de prestations supplémentaires.

Pour avoir droit au chômage, les Canadiens doivent avoir travaillé un certain nombre d'heures au cours de la dernière année. Or, le fédéral ne considère pas les prestations parentales comme un revenu d'emploi, a confirmé Ugo Therien, porte-parole du ministère des Ressources humaines.

Geneviève Bourque s'est donc retrouvée le bec à l'eau à la fin de son congé, en janvier. Comme son conjoint travaille, elle n'a pas droit à l'aide sociale. D'ici à ce qu'elle trouve un autre emploi, elle est donc totalement dépendante de son conjoint financièrement. «Ça me choque, a-t-elle soupiré. J'ai travaillé toute ma vie; je mérite mieux.»

Une loi mal adaptée

Des histoires comme celle-là, le mouvement Action Chômage de Montréal pourrait en raconter plusieurs.

Cet hiver, l'organisme a accueilli une femme qui venait d'apprendre qu'elle était atteinte d'un cancer de la glande thyroïde. Elle a reçu son diagnostic deux semaines après la fin de son congé de maternité.

«C'est difficile à croire, mais le fédéral lui a refusé les prestations de maladie prévues dans le régime d'assurance emploi», a déploré l'intervenant Jacques Beaudoin, du mouvement Action Chômage. En effet, les femmes qui tombent malades après un congé parental n'ont droit à aucune prestation de maladie, confirme Service Canada.

«Ça démontre à quel point la Loi sur l'assurance emploi n'est pas adaptée à la réalité», a ajouté M. Beaudoin.

Le gouvernement fédéral n'aurait qu'à modifier un seul article de la loi pour éviter ce genre de situation, souligne Alexa Conradi, présidente de la Fédération des femmes du Québec.

D'ailleurs, la loi prévoit déjà des exceptions pour certains salariés, dont les travailleurs en retrait préventif ou en congé de maladie. Pour ces derniers, le fédéral prolonge la période de référence dans son calcul de l'assurance emploi.

«Au lieu de considérer le travail de la dernière année, le fédéral regarde jusqu'à deux ans en arrière», explique Jacques Beaudoin. Les détenus ont aussi droit à ce privilège afin d'obtenir du chômage en sortant de prison.

«Les femmes enceintes devraient elles aussi avoir droit à une plus longue période de référence», estime Hugo Desgagné, coordonnateur du Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE). Actuellement, la loi ne fait qu'accentuer la condition précaire des femmes.»

Déjà, dit-il, les femmes ont souvent de la difficulté à se qualifier pour l'assurance emploi parce qu'elles occupent parfois des postes à temps partiel.

La ministre fédérale des Ressources humaines, Diane Finley, a refusé de commenter le sujet de notre reportage.

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Et les congés parentaux plus courts?

Les femmes qui prennent un congé de maternité plus court en partageant les semaines avec leur conjoint sont également pénalisées dans le calcul de l'assurance emploi. Si elles se qualifient pour l'assurance emploi, elles auront droit à moins de prestations: chaque semaine passée en congé parental sera considérée par le fédéral comme une semaine d'assurance emploi déjà payée. Les Canadiens ont droit à un maximum de 50 semaines de prestations.

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Un des régimes les plus généreux du monde

Le Régime québécois d'assurance parentale (RQAP) est l'un des plus généreux du monde. Mis sur pied en 2006, il a remplacé le régime fédéral d'assurance emploi. Le RQAP offre 18 semaines de congé de maternité, 5 de congé de paternité et un total de 32 semaines de congé parental à partager entre la mère et le père. Il faut avoir touché un revenu de travail pour avoir droit aux prestations, qui correspondent à 75% du salaire. Les Canadiennes ont aussi droit à 50 semaines de prestations, mais celles-ci sont moins généreuses qu'au Québec. Soulignons que, ailleurs au pays, les prestations parentales font toujours partie du régime d'assurance emploi fédéral. En France, le congé de maternité des femmes varie en fonction du nombre d'enfants. Il est de trois mois et demi en Allemagne et de cinq mois en Italie. En Suède, les deux parents se partagent un total de 16 mois. Les États-Unis n'offrent aucune allocation de maternité aux femmes. Source: Commission européenne (ec.europa.eu)