L'annonce de la mise sur pied d'un site web de jeux de hasard géré par Loto-Québec inquiète les intervenants qui s'intéressent à la question du jeu pathologique. Plusieurs d'entre eux craignent que les mesures de jeu «responsable» annoncées par la société d'État ne soient que du bluff.

«C'est de la poudre aux yeux! C'est comme si un fabricant de cigarettes finançait une campagne de lutte contre le tabagisme», explique Alain Dubois, travailleur psychosocial et porte-parole de la coalition Éthique pour une modération du jeu (EmJEU). «Oui, ça va être payant, mais le rôle de l'État n'est pas seulement d'engranger de l'argent. Il faut considérer les coûts sociaux et les drames humains que cela engendre. Ce n'est certainement pas la priorité du ministère des Finances.»

 

Des billets de loterie aux casinos en passant par les émissions de télévision et les machines de vidéopoker, l'offre de jeu au Québec est démesurée, estime M. Dubois.

«Une étude menée en Suède après que la loterie nationale se fut lancée sur le web a démontré que 52% de la clientèle ne s'était jamais adonnée au jeu en ligne auparavant. En parallèle, des études de santé publique assez prudentes ont démontré qu'une personne sur cinq qui joue sur l'internet souffre de problèmes de jeu pathologique. Il est donc évident que cela va augmenter de façon importante le nombre de joueurs compulsifs.»

Citant également l'étude suédoise, la directrice des programmes de prévention et de sensibilisation à la Maison Jean Lapointe, qui traite des gens aux prises avec un problème de jeu compulsif, explique que l'arrivée du site pourrait banaliser l'acte de jouer au poker ou de miser en ligne.

«C'est sûr que l'on parle d'un milieu qui était illégal, souvent géré par le crime organisé. Donc, à première vue, on peut conclure que c'est positif, mais j'ai beaucoup d'inquiétudes par rapport à l'efficacité des mesures proposées, explique Anne Élizabeth Lapointe. Le jeu en ligne est très insidieux, car les gens peuvent le faire chez eux dans le secret. Par ailleurs, j'ai peur que des gens vulnérables soient aspirés si Loto-Québec se met à faire énormément de promotion pour mousser la popularité de son site.»

Jeffrey L. Derevensky, codirecteur du Centre international d'étude sur le jeu et les comportements à risque chez les jeunes, note cependant que la majorité des gens ne souffrent pas de problèmes de jeu pathologique.

«Il est prouvé que les sites de jeu en ligne sont très attrayants pour les gens qui souffrent de problèmes de jeu. Est-ce que les sites causent ces problèmes? Cela n'a pas été démontré. À l'heure actuelle, le gouvernement doit être proactif en investissant dans la prévention et la recherche indépendante pour que l'on puisse davantage comprendre ce qui engendre les comportements pathologiques.»