Il faut permettre aux sans-abri de dormir dans des parcs du centre-ville de Montréal, plaide la Commission des droits de la personne dans un avis destiné à contrer l'avalanche de contraventions remises aux sans-abri.

C'est l'une des 14 recommandations de la Commission, qui demande aussi que soit abrogé le règlement interdisant expressément les chiens dans le parc Émilie-Gamelin et au square Viger.La Commission critique abondamment les policiers, qui, à son avis, par la multiplication de contraventions souvent bidon, font du «profilage social». «La Commission considère que le ciblage discriminatoire dont font l'objet les personnes itinérantes dans les normes et politique du SPVM (Service de police de la Ville de Montréal) a eu pour effet d'inciter les policiers, sans justifications raisonnables, à utiliser les règlements municipaux pour libérer l'espace public de la présence des personnes itinérantes», peut-on lire dans l'avis publié mardi.

«À la base, on ne devrait pas donner de contraventions pour des choses telles que de cracher ou de traverser la rue au mauvais endroit», estime Gaétan Cousineau, président de la Commission.

Cela dit, Paul Eid, chercheur en sociologie et coauteur de l'avis de la Commission des droits de la personne, signale qu'il faut continuer de sanctionner les nuisances réelles à l'ordre public ou les menaces à la sécurité. Des règlements en ce sens sont d'ailleurs en place, a-t-il précisé, règlements «qui devraient être mis en application de façon neutre».

En conférence de presse, Gaétan Cousineau, le président de la Commission, a par ailleurs dénoncé l'incarcération des sans-abri pour contraventions non payées. L'avis écrit aborde aussi ce sujet.

Or, comme le signale Marie-Josée Bonin, directrice à la diversité sociale à la Ville de Montréal, aucun sans-abri n'a été emprisonné depuis 2004 pour contraventions non payées.

«Nous sommes tout à fait d'avis avec l'objectif de réduire la judiciarisation des itinérants», dit toutefois Mme Bonin, qui assure que la Ville ne prend pas la question à la légère.

Permettre aux sans-abri de passer la nuit dans les parcs? Pour Ginette Major, présidente de l'Association des résidants du Vieux-Montréal, l'idée n'est pas géniale. «Il n'est pas souhaitable que les parcs deviennent des adresses permanentes, de nuit comme de jour. Un parc, ce n'est pas un dortoir en plein air. Ce n'est pas vrai qu'on condamne des gens à coucher sur le trottoir en fermant des parcs. Au centre-ville, il y a assez de place dans les refuges pour accueillir tout le monde.»

Pour sa part, Bernard St-Jacques, organisateur communautaire au Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal, est ravi de l'avis de la Commission des droits de la personne. «On ne s'attendait pas à ce que la Commission aille aussi loin, notamment sur la question du profilage social. Pour nous, cet avis est une arme supplémentaire dans la lutte contre la discrimination à l'égard des personnes itinérantes.»

Mais comment concilier la volonté de ne pas judiciariser les sans-abri et le droit des résidants du centre-ville à une certaine quiétude? À cela, M. St-Jacques doute que l'adoucissement des pratiques actuelles amène une ruée vers les parcs.

Interrogé aussi sur le risque de banaliser, dans un pays d'hiver comme le nôtre, le fait de coucher dehors (à quand le prochain drame lorsqu'un sans-abri mourra de froid?), M. St-Jacques croit que, au contraire, l'assouplissement des règlements pourrait éviter ces situations. «Le vrai danger, c'est plutôt d'amener des gens à dormir dehors en cachette, derrière une poubelle, à l'abri des regards.»