Daniel Germain était loin de se douter que le projet qu'il a lancé dans une école primaire de Longueuil allait faire boule de neige à ce point. Après avoir servi 12 millions de repas à des enfants défavorisés, le Club des petits déjeuners du Québec a fêté la semaine dernière ses 15 ans. Et son fondateur n'a qu'un désir pour l'avenir: qu'il n'ait plus sa raison d'être.

«Je suis l'une des rares personnes qui prient pour perdre leur job», a confié M. Germain alors que des dizaines de personnes s'étaient rassemblées à Boucherville pour souligner l'anniversaire.

 

Travailleur humanitaire au Mexique et à Haïti dans sa jeunesse, Daniel Germain a vu la misère de près. À son retour au Québec, il a cherché un moyen d'améliorer le sort des jeunes d'ici. Sa solution: une version modifiée d'un programme gouvernemental pour servir des déjeuners dans les écoles.

«Quand je me reporte à l'époque, il n'y avait pas d'argent, je ne connaissais personne, les gens ne me rappellaient jamais... relate-t-il. Ça prenait parfois six mois pour joindre quelqu'un. Aujourd'hui, 75% du temps, c'est les gens qui m'appellent. Même les donateurs.»

L'expérience a débuté à l'école Lionel-Groulx, la plus pauvre de Longueuil. Quinze ans plus tard, le Club des petits déjeuners est établi dans 244 écoles au Québec. Il y a deux ans, l'organisme a pris pied au Nunavik. Chaque matin, 15 000 enfants reçoivent un petit-déjeuner par ses soins.

«Ça rassemble des enfants qui ont besoin de sortir de l'ambiance difficile de leur maison, de rencontrer des bénévoles souriants et de manger avec les autres élèves sans se sentir poche ou nul», dit Sabrina Provost.

La jeune femme de 18 ans le sait mieux que quiconque: elle a bénéficié du Club alors qu'elle fréquentait l'école François-Williams, à Saint-Amable. Son père avait eu un accident du travail, sa mère avait perdu son emploi. Aujourd'hui, elle étudie en sciences de la nature au cégep Saint-Laurent et rêve de devenir médecin.

Pour Daniel Germain, chaque petite Sabrina Provost est un pas de plus vers un Québec sans pauvreté. Chaque succès du Club incite les citoyens à devenir bénévoles ou à donner à la cause. Aujourd'hui, le budget annuel de l'organisme s'élève à 9 millions, et 79% de la somme provient de dons ou de contributions parentales.

«Quand on nourrit 15 000 enfants par jour au Québec, comme on le fait présentement, on a l'impression d'arriver à un seuil critique», explique Daniel Germain.

Pourtant, la tâche reste colossale, admet la directrice générale du Club des petits déjeuners, Francyne Charette. «On a dénombré plus de 850 écoles au Québec qui ont un indice de faible revenu suffisant pour être admissibles au Club des petits déjeuners, a-t-elle indiqué. On reçoit des demandes chaque semaine et on a une liste d'attente.»

Cette année seulement, les enfants de 33 nouvelles écoles pourront déjeuner en groupe grâce au Club des petits déjeuners.