S'ils trouvaient une lampe magique qui exhausse les voeux, les Québécois souhaiteraient d'abord gagner à la loterie. Ils réclameraient ensuite une famille réussie, et enfin, ils planifieraient un grand voyage. Portrait d'une société qui se dit rêveuse, mais qui garde les pieds sur terre.

Les Québécois espèrent une vie meilleure. Près de trois personnes sur quatre disent songer très souvent ou assez souvent à une existence plus agréable. Alors elles échafaudent des plans et, surtout, elles rêvent.

Leur plus grand souhait? Gagner à la loterie, révèle un sondage d'Angus Reid réalisé à la demande de La Presse. C'est le plus grand rêve du quart des Québécois, et du tiers des plus de 55 ans.

«La loto semble le moyen rapide de réaliser tous les souhaits : un chalet, la retraite, un voyage, un changement d'emploi... C'est comme si les Québécois pouvaient répondre "toutes ces réponses" quand ils disent souhaiter gagner beaucoup d'argent d'un seul coup», explique Jaideep Mukerji, vice-président aux affaires publiques d'Angus Reid.

La richesse peut permettre de concrétiser plusieurs rêves, mais les Québécois n'y voient pas pour autant la clé du bonheur ; seulement 4% des répondants estiment qu'être riche rend heureux. Ils comptent plutôt, de façon majoritaire, sur la santé et la famille.

«Les Québécois sont réalistes, constate Rose-Marie Charest, présidente de l'Ordre des psychologues du Québec. Ils aimeraient bien sûr gagner à la loto, mais s'ils doivent consacrer toute leur énergie pour atteindre un but, ils vont privilégier la famille, ou encore une vie saine. Ils y trouvent une plus grande satisfaction que dans la richesse.»

D'ailleurs, chez les 18 à 34 ans, la vie familiale coiffe la loterie au sommet des rêves. Un jeune sur quatre souhaite avant tout réussir sa famille. Dans cette catégorie d'âge, près d'une personne sur deux croit que le bonheur ultime dépend d'un foyer harmonieux.

À l'opposé, les Québécois ont répondu dans une très faible proportion (1%) souhaiter la célébrité. Les Québécois rêvent même deux fois plus de retourner aux études que de devenir célèbres.

De plus, quand ils réfléchissent à leur journée idéale, deux fois plus de répondants rêvent d'une journée à ne rien faire plutôt qu'à une journée avec leur vedette préférée. La journée avec une personnalité publique vient au dernier rang du type de journée parfaite, loin derrière passer du temps avec des proches, faire une randonnée à l'extérieur, passer une journée seul et ne rien faire.

«Les personnes très axées sur le vedettariat sont très visibles, ajoute Mme Charest. On parle beaucoup des centaines de jeunes qui voudraient aller à Occupation Double, mais il ne s'agit pas de tout le Québec! On aime bien imaginer nos vedettes, mais peut-être qu'on préfère justement qu'elles restent dans notre imaginaire. Et puis, qu'est-ce qu'on aurait à leur dire?»

Réalistes, ascendant pessimistes

Le sondage met aussi en lumière la vision pessimiste des Québécois au sujet de leur avenir personnel. Les trois premiers mots qui leur viennent à l'esprit pour qualifier leur avenir sont «inquiétant», «inconnu» et «déprimant». Les femmes et les plus de 55 ans sont particulièrement pessimistes.

Seulement un Québécois sur cinq pense que l'avenir sera excitant. «Le climat d'incertitude économique peut expliquer aucun terme positif qu'on ne trouve aux trois premiers rangs, explique M. Mukerji. Ce qui est surprenant, c'est l'intensité de l'inquiétude au Québec. Sept personnes sur dix qui croient que l'avenir est inquiétant, statistiquement, c'est beaucoup.»

Les Québécois s'inquiètent, mais plus d'une personne sur deux croit tout de même que son avenir sera meilleur que son passé.

«C'est quand on songe à l'avenir que le rêve peut être porteur. Quand les temps sont difficiles, le rêve peut rendre le présent supportable et le futur plus attrayant. Si on ne se déconnecte pas de la réalité, c'est très positif», explique Patrick Lynes, chargé de cours en psychologie et auteur du livre Le besoin de l'impossible.