Claudette Carbonneau accuse le gouvernement Charest d'entretenir la xénophobie en refusant de trancher sur la délicate question des accommodements raisonnables.

La présidente de la Confédération des syndicats nationaux demande au gouvernement de se doter d'une charte de la laïcité pour éviter de laisser les tribunaux statuer sur les demandes des communautés culturelles et ainsi perdre le contrôle du débat.

«C'est un manque de courage. On ne peut pas laisser régler ça à la pièce, ça n'a pas de maudit bon sens», a déclaré Mme Carbonneau dans une virulente sortie, en entrevue à La Presse Canadienne.

«C'est toute la société qui y perd. Comme façon d'entretenir des préjugés, de la xénophobie, on est mauditement bien parti», a-t-elle enchaîné.

Elle déplore que le gouvernement se contente de miser sur le projet de loi 16, demandant aux ministères et organismes publics de se doter d'une politique de traitement des demandes d'accommodements des communautés culturelles.

Malgré l'insistance des partis d'opposition, Québec refuse d'inscrire dans ce projet de loi la primauté de l'égalité entre les hommes et les femmes sur la liberté de religion.

La ministre de la Condition féminine, Christine St-Pierre, a expliqué que le gouvernement du Québec ne pouvait aller plus loin en hiérarchisant les droits, sans contrevenir à la Charte canadienne des droits et libertés.

Vendredi, elle a de plus accusé les opposants au projet de loi d'essayer d'allumer un incendie dans le dossier des accommodements raisonnables.

Mme Carbonneau réplique qu'au contraire, c'est le gouvernement Charest qui laisse la situation s'envenimer.

«Le feu est déjà bien parti. Si le monde ne voit pas que la grange brûle, je ne sais pas ce que ça va prendre», a-t-elle illustré, ajoutant «qu'essayer de réglementer la seule question du port du voile», par exemple, lui paraît constituer «une solution bê-bête».

La présidente de la CSN dit comprendre les limites évoquées par la ministre St-Pierre mais selon elle, un débat politique est nécessaire afin qu'ultimement, le Québec définisse clairement les règles à l'égard des communautés culturelles.

«Plus on va régler ça sur des cas éclatés, plus la passion va se mêler là-dedans, moins on va être capable de préserver une société que je veux toujours accueillante, avec des moyens d'intégration», a analysé Mme Carbonneau.

Selon elle, pour que la société puisse accepter les autres, elle doit commencer par se respecter elle-même avec ses valeurs.

«Il faut affirmer que pour nous, il y a une valeur maîtresse, c'est l'égalité entre les hommes et les femmes», a-t-elle conclu.

La présidente de la centrale ajoute sa voix à celles du Conseil du statut de la femme et du Syndicat de la fonction publique du Québec, qui ont déjà réclamé le retrait du projet du loi 16, le jugeant inadéquat.

La délicate question a repris d'assaut la place publique récemment, lorsque la Commission des droits de la personne a statué sur un accommodement raisonnable accordé par la Société de l'assurance automobile du Québec.

La SAAQ permet à des clients d'être supervisés par des personnes de leur propre sexe en respect de leurs croyances religieuses, lorsqu'ils subissent leur examen de conduite.