Le certificat de sécurité qui pèse contre le Montréalais Adil Charkaoui pourrait être bientôt levé. Dans un document déposé à la Cour fédérale et dont La Presse a obtenu copie, le gouvernement canadien admet que la preuve au dossier de l'immigrant d'origine marocaine est aujourd'hui «insuffisante» pour justifier son renvoi du pays.

Dans le document en date du 31 juillet, les ministres de l'Immigration et de la Sécurité publique écrivent qu'ils en sont venus à ce constat après avoir eux-mêmes retiré du dossier de M. Charkaoui une partie des renseignements qui les avaient amenés, en 2003, à soupçonner le ressortissant marocain d'avoir des liens avec l'organisation terroriste d'Oussama Ben Laden, Al-Qaeda.

La juge de la Cour fédérale qui supervise le dossier de M. Charkaoui, Danièle Tremblay-Lamer, a récemment enjoint le gouvernement à rendre publiques certaines informations jusque-là restées secrètes. Estimant que le dévoilement de ces renseignements «porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui», et ce, malgré l'avis contraire de la juge, les ministres ont décidé de les enlever de la preuve plutôt que d'en révéler la teneur.

Dans un nouveau sommaire public des soupçons que le gouvernement entretient à l'égard d'Adil Charkaoui, on peut voir que l'allégation selon laquelle il aurait discuté au téléphone de la prise de contrôle d'un avion à des fins agressives a été biffée. Idem pour sa présumée participation à un camp d'entraînement d'Al-Qaeda en Afghanistan.

À la suite de ces importantes modifications au dossier, la juge de la Cour fédérale devra décider à son retour de vacances en septembre si le certificat de sécurité tient encore la route ou s'il doit être révoqué.

Dans une directive qu'elle a fait parvenir au gouvernement et à M. Charkaoui au début du mois, la juge demande aux ministres s'il ne serait pas préférable qu'ils retirent eux-mêmes le certificat.

Six ans de contraintes

L'émission du certificat de sécurité en mai 2003 a entraîné la détention pendant 18 mois d'Adil Charkaoui, sans qu'aucune accusation ne soit portée contre lui. Remis en liberté en 2005, il a dû respecter une longue liste de conditions pendant près de quatre ans, y compris un couvre-feu et l'interdiction d'utiliser l'internet ou un téléphone cellulaire.

Ces conditions ont été progressivement allégées, mais Adil Charkaoui doit encore aviser les autorités s'il quitte Montréal et porter un bracelet GPS à la cheville. Si le certificat qui pèse contre lui est jugé déraisonnable, il recouvrera la liberté complète.

En entrevue avec La Presse, Adil Charkaoui ne cachait pas cette semaine qu'il se réjouit des nouveaux développements dans son dossier, mais le père de trois enfants affirme que lui et ses avocates, ayant déjà remporté deux manches contre le gouvernement à la Cour suprême dans le dossier des certificats de sécurité, veulent plus. «Il faut crever l'abcès. Nous voulons que tous les abus dont j'ai été victime soient reconnus par la cour. Je veux blanchir mon nom», plaide Adil Charkaoui. Par conséquent, il demande l'arrêt des procédures, sur la base de toutes les irrégularités au dossier.

S'il a gain de cause, Charkaoui et ses supporters couperont l'herbe sous le pied du gouvernement qui veut porter l'affaire en appel. Le gouvernement veut notamment contester la nécessité de divulgation des renseignements secrets et estime que M. Charkaoui représente toujours un danger à la société.

Mesure controversée

Mesure prévue par la loi de l'immigration canadienne, les certificats de sécurité permettent au gouvernement canadien d'expulser des non-citoyens du pays s'il est capable de prouver à la cour qu'il a des motifs raisonnables de croire que les personnes visées représentent un danger à la sécurité nationale. Le gouvernement a dû en revoir les modalités après que la Cour suprême eut tranché en 2007 que les certificats violaient les droits des personnes en ne permettant pas aux personnes visées de connaître la preuve qui pèse contre eux. Un avocat spécial, représentant les intérêts de la personne touchée, siège maintenant sur les réunions à huis clos au cours desquelles la preuve secrète est entendue. L'avocat spécial peut aussi plaider en faveur d'une plus grande divulgation de la preuve.

À ce jour, cinq hommes musulmans font toujours l'objet d'un certificat.