Le gouvernement Harper nie avoir retiré d'un site internet une section portant sur le Vietnam, afin de pouvoir déporter plus facilement les déserteurs américains de la guerre d'Irak comme le prétendent des opposants.

Le texte, qui expliquait les raisons pour lesquelles les conscrits réfractaires et les déserteurs de la guerre du Vietnam ont obtenu le droit de demeurer au Canada, a soudainement disparu du site internet du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, en début d'année.

«A partir de 1965, le Canada est devenu un havre de choix pour les conscrits réfractaires et les déserteurs américains», pouvait-on lire dans l'extrait, qui était toujours sur le site au mois de février.

«Même si certains d'entre eux sont rentrés aux Etats-Unis après la guerre du Vietnam, la plupart d'entre eux se sont établis au Canada, devenant le groupe le plus important et le mieux éduqué que le pays ait jamais accueilli», était-il expliqué.

Mais en 2009, le gouvernement conservateur de Stephen Harper ne voyait plus du même oeil le fait que des douzaines de soldats américains soient venus au nord de la frontière après avoir refusé de servir en Irak - une mission que les Nations Unies n'ont jamais approuvée.

Certains déserteurs ont déjà été déportés et risquent des peines d'emprisonnement militaire de six à 15 mois. Plusieurs autres s'attendent à recevoir une mesure de renvoi.

Selon un document, obtenu par La Presse Canadienne en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, le gouvernement aurait justifié sa position en notant que, «contrairement aux conscrits réfractaires américains qui ont immigré au Canada pendant le conflit du Vietnam, les individus qui viennent aujourd'hui au Canada se sont joints volontairement à l'armée des Etats-Unis et ont en conséquence déserté».

L'explication est toutefois réfutée par un porte-parole de «La Campagne d'appui aux résistants à la guerre», Ken Marciniec, qui souligne que plusieurs Américains s'étaient portés volontaires pour partir combattre au Vietnam et qu'ils ont pu se réfugier au Canada par la suite.

Des représentants du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration ont confirmé à La Presse Canadienne, vendredi, que le document avait bel et bien été retiré.

La porte-parole Karen Shadd a expliqué, par courriel, qu'un «contrôle d'accessibilité» avait trouvé qu'il «n'était pas conforme aux exigences de normalisation des sites Internet (du fédéral)» qui aident le public à se servir des sites.

Mme Shadd n'était pas immédiatement disponible pour expliquer plus précisément de quelle façon le document ne respectait pas ces critères.

M. Marciniec a pour sa part plaidé que l'extrait avait été retiré parce qu'il «contredit directement l'allégation du gouvernement» à l'effet que les déserteurs de la guerre d'Irak sont des déserteurs volontaires qui ne peuvent pas être comparés aux conscrits réfractaires du Vietnam.

«Le gouvernement minoritaire de M. Harper induit les Canadiens en erreur au sujet des déserteurs de la guerre d'Irak, afin de les distraire du fait qu'il ignore la position du Parlement ainsi que la volonté de la majorité des Canadiens qui veulent que les déportations cessent immédiatement», a-t-il fait valoir.

L'opposition majoritaire du Parlement a adopté une motion non contraignante afin de permettre aux déserteurs d'Irak de rester au pays.

Les députés du Parti libéral, du Nouveau Parti démocratique et du Bloc québécois ont par ailleurs conjointement signé une lettre, le 26 juin, appelant les conservateurs à «faire preuve de compassion pour ceux qui ont choisi de ne pas participer à une guerre qui n'a pas été approuvée par les Nations Unies».

Et les résultats d'un sondage Angus Reid, mené l'an dernier, indiquaient que 64 pour cent des Canadiens souhaitaient que les renvois prennent fin et ils ont répondu qu'ils appuieraient un programme qui offrirait le statut de résident permanent aux soldats.

M. Marciniec a ajouté que, selon des récentes estimations faites à travers le Canada, le nombre de déserteurs de la guerre d'Irak s'élèverait à plus de 200. Plusieurs d'entre eux vivraient dans la clandestinité, craignant d'être déportés.