Le commissaire Jeffrey Oliphant a fortement recommandé au ministre de la Justice, Rob Nicholson, de ne pas extrader Karlheinz Schreiber avant la fin des travaux de la commission, dans trois semaines.

La commission Oliphant, chargée de faire la lumière sur les relations commerciales entre l'homme d'affaires germano-canadien et l'ancien premier ministre Brian Mulroney, a entendu hier matin une requête de l'avocat de M. Schreiber, Richard Auger.Me Auger demandait au commissaire d'ordonner ou de recommander au ministre de la Justice que son client reste au pays jusqu'à la fin des travaux de la deuxième partie de la commission, qui porte sur les réformes éthiques à apporter à Ottawa.

Dans une décision rendue sur-le-champ dans laquelle il n'a pas mâché ses mots, le commissaire a déclaré que de placer Karlheinz Schreiber dans un avion pour l'Allemagne avant que la commission ait terminé ses audiences serait une «parodie de justice».

«Il me semble que d'extrader M. Schreiber avant la fin des travaux de la commission résulterait à mon avis en une parodie de justice et ne devrait être endossé par personne», a-t-il tranché.

Il était moins une pour M. Schreiber, qui tente de combattre l'extradition vers l'Allemagne depuis 10 ans. Il est accusé là-bas de fraude, de corruption et d'évasion fiscale. Le ministre de la Justice avait accepté il y a quelques mois de surseoir à cette extradition pour lui permettre de témoigner devant la commission. Or, ce matin, le commissaire Oliphant a libéré le témoin, après que les procureurs l'eurent informé qu'ils n'avaient plus de question à lui poser.

Reste donc à savoir si le ministre Nicholson décidera d'accepter la recommandation de Jeffrey Oliphant. «Est-ce que le ministre a une quelconque intention d'extrader M. Schreiber avant que la commission ait terminé son travail sur la partie II?» a demandé M. Oliphant à l'avocat du gouvernement. «Non», a répondu Me Yannick Landry.

Un autre facteur pourrait cependant influencer sa décision: mardi, l'avocat de Karlheinz Schreiber a déposé une nouvelle contestation de l'ordonnance d'extradition à la Cour d'appel de l'Ontario. Me Edward Greenspan a fait valoir que le traité d'extradition avec l'Allemagne était invalide, puisque ratifié incorrectement, et que dès lors il ne pouvait servir de base à l'extradition de M. Schreiber. Il a aussi souligné au passage que l'homme d'affaires a été opéré d'urgence il y a quelques semaines et qu'il doit voir son médecin le 19 juin.

Depuis 1999, M. Schreiber multiplie les séjours en prison, les procédures judiciaires et les demandes de révision au ministre de la Justice dans sa tentative d'éviter l'extradition. On ignore si la Cour d'appel acceptera de l'entendre à nouveau.

Entre-temps, les avocats de toutes les parties impliquées dans la commission doivent revenir la semaine prochaine pour faire leurs dernières plaidoiries au juge sur la première partie de l'enquête. Cette première partie vise à déterminer quelles étaient les relations d'affaires entre Karlheinz Schreiber et Brian Mulroney, et pourquoi ce dernier a accepté entre 225 000$ et 300 000$ en argent comptant de sa part dans les mois qui ont suivi son départ du poste de premier ministre.

Puis, au cours des prochaines semaines, la commission se penchera sur la deuxième partie de son mandat en tenant des consultations publiques et un forum d'experts pour déterminer quelles règles d'éthique devraient être imposées aux titulaires de charges publiques.