«Vous vous attendez à ce qu'on se dévore sur la scène!» a d'emblée lancé Bill Clinton en s'adressant aux 6000 spectateurs venus assister à son duel exceptionnel avec George W. Bush hier à Toronto.

À la blague, il a du même souffle comparé le palais des congrès de la métropole ontarienne, où se déroulait la rencontre, à «une version du XXIe siècle du Colisée de Rome». Un amphithéâtre qu'on utilisait jadis pour les combats de gladiateurs.

 

Pourtant, le sang n'a pas coulé hier lors de cet événement politique unique pour lequel certains invités avaient payé leur billet jusqu'à 2500$. Et les deux hommes n'ont jamais dégainé leurs armes. Au contraire. George W. Bush a même indiqué que Bill Clinton est devenu comme un frère pour lui.

L'ex-président républicain a d'abord dit avoir parlé à sa mère de cette rencontre publique avec Bill Clinton. Il se serait fait répondre: «Bill a passé tant de temps avec ton père qu'il est devenu comme un fils pour moi.»

Sur scène, un sourire éclairant son visage, George W. Bush a donc lancé à Bill Clinton: «Mon frère, je suis content d'être ici avec toi!»

Le ton était donné. Retenue et extrême courtoisie figuraient au menu de cette rencontre de près de deux heures, animée par l'ancien ambassadeur canadien à Washington Frank McKenna.

Ce dernier a pourtant tout tenté pour provoquer des étincelles. Il a entre autres abordé les dossiers controversés du mariage gai, de la guerre en Irak et de l'embargo américain contre Cuba.

Mais les deux politiciens, qui sont pourtant aux antipodes sur de nombreux enjeux, n'ont jamais vraiment mordu.

Pas même sur le dossier irakien. Bill Clinton a bien sûr admis qu'il aurait préféré voir son pays se concentrer sur la guerre en Afghanistan. «Mais la vraie question, c'est: qu'est-ce qu'on fait à partir de maintenant?» a-t-il rapidement ajouté.

La complicité entre les deux hommes - feinte ou pas - était évidente. Ils avaient d'un commun accord enterré la hache de guerre.

Lorsque l'ancien président démocrate a dit avoir commis une véritable erreur en restant les bras croisés pendant le génocide rwandais, Bush s'est même empressé de prendre sa défense. «Je pense que tu es un peu trop dur à ton propre égard», a-t-il dit.

Les politiciens étaient aussi sur la même longueur d'onde quant à l'importance de la relation privilégiée entre le Canada et les États-Unis, sujet évidemment à l'ordre du jour. Mais étonnamment, tous deux ont dit apprendre avec surprise qu'il faudra un passeport dès la semaine prochaine pour franchir la frontière.

«Je ne suis pas au courant de cette question de passeport», a dit George W. Bush. Cette décision a pourtant été prise - et souvent évoquée - alors qu'il était à la Maison-Blanche. «Nous devons trouver une solution de rechange moins stricte», a pour sa part soutenu Bill Clinton.

La rencontre n'a pas été véritablement enlevante. Mais elle a certes été fascinante. Particulièrement parce qu'elle a permis de constater que George W. Bush apprend à la dure à mener une vie ordinaire après avoir été l'homme le plus puissant du monde.

«C'est difficile de passer de 100 milles à l'heure à 0», a-t-il expliqué. Il a ensuite raconté sans pudeur comment il s'est remis aux tâches ménagères. Et comment il promène son chien «avec un sac en plastique dans la main» pour la première fois depuis huit ans.

L'ex-président si peu populaire a réussi à faire rire l'audience à plusieurs reprises en faisant preuve d'une forte dose d'autodérision. Il été jusqu'à raconter comment on lui avait dit récemment, dans une quincaillerie du Texas, qu'il ressemblait beaucoup... à George W. Bush.

«Ça m'arrive tout le temps», a-t-il répondu. L'employé de la quincaillerie, qui n'était vraisemblablement pas un partisan du président républicain, lui a ensuite lancé: «Ça doit vous rendre malade!»

 

»CRIMES DE GUERRE»

Quelques centaines de personnes s'étaient réunies à l'extérieur du centre des congrès de Toronto pour manifester contre la présence des deux anciens présidents dans la métropole. «Si les mots justice internationale veulent vraiment dire quelque chose, cette justice devrait s'appliquer à George W. Bush «, a lancé Chad Brazier, 26 ans. Comme plusieurs autres manifestants, ce jeune homme originaire d'Ottawa a exhorté les policiers sur place à «arrêter Bush» pour «crimes de guerre».