À partir de lundi, les Canadiens qui voyagent aux États-Unis en voiture, en train ou en bateau devront avoir un passeport valide ou un permis de conduire Plus. Mais seulement 11 000 personnes ont demandé le nouveau permis doté d'une puce électronique à la SAAQ. À Stanstead, à cheval sur la frontière, on ne veut rien savoir de règles plus strictes.

À quatre jours de l'entrée en vigueur de règles plus strictes à la frontière américaine, les Québécois sont loin de se ruer sur le permis de conduire Plus. La Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) a reçu seulement 11 000 demandes pour ce permis doté d'une puce électronique lisible à distance.

 

Selon un scénario qualifié de «réaliste», la SAAQ prévoyait pourtant que 174 282 personnes demanderaient le permis de conduire Plus dès qu'il serait disponible, révèle un document obtenu par La Presse grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

Vendu 52$ et valable pour quatre ans, le permis Plus, lancé à la mi-mars, sera obligatoire dès le 1er juin pour les voyageurs canadiens qui ne possèdent pas de passeport valide et qui souhaitent entrer aux États-Unis par voie terrestre ou maritime. À défaut de présenter aux douaniers américains un des deux documents, ou encore une carte NEXUS, les voyageurs risquent d'être refoulés à la frontière. «Le permis Plus connaît un début lent», reconnaît Gino Desrosiers, porte-parole de la SAAQ. La société d'État estime néanmoins devoir en délivrer environ 500 000 d'ici quatre ans. «Les prévisions qui ont été faites datent d'avant le ralentissement économique et l'épidémie de grippe. Ça peut expliquer pourquoi les demandes sont moins élevées», affirme-t-il.

Le coût d'implantation du permis Plus, incluant le développement des systèmes de sécurité, représente 12,8 millions de dollars pour l'État québécois.

Selon les données du rapport que nous avons obtenu, quelque 860 000 Québécois titulaires de permis de conduire réguliers pourraient théoriquement frapper un mur à la frontière puisqu'ils n'avaient pas de passeport valide en 2008 et ont pour habitude d'aller aux États-Unis ou ont l'intention de le faire au cours des prochains mois. Dans les faits, ce nombre est toutefois probablement beaucoup plus bas, puisque Passeport Canada enregistre depuis quelques mois une hausse marquée des demandes de passeport partout au pays. Au Québec, 20 000 passeports de plus ont été délivrés cette année par rapport à l'année précédente, portant à près de 48% la proportion de Québécois détenant un passeport.

«Nous recevons actuellement 21 000 demandes de passeport par jour (renouvellement et nouveaux passeports), alors que par les années passées, nous en recevions normalement 18 000 par jour en haute saison», explique le porte-parole, Jean-Sébastien Roy. En dépit de cette croissance des demandes, Passeport Canada assure être en mesure de délivrer un passeport en 10 jours ouvrables si la demande est faite dans l'un de ses bureaux, et en quatre semaines si la demande est envoyée par la poste.

Flexibilité à la frontière

Jointe à Washington, la porte-parole de la US Custom and Border Protection - les douanes américaines -, Joanne Ferreira, affirme que 80% des voyageurs canadiens qui entrent aux États-Unis possèdent déjà les documents qui seront exigés à partir du 1er juin. «Nous allons montrer une certaine flexibilité. Nous ne refuserons pas l'entrée, assure-t-elle, mais il se peut que les voyageurs qui n'ont pas les documents subissent des délais à la frontière.» La durée de cette période de grâce n'a pas été précisée par la porte-parole.

Chose certaine, l'entrée en vigueur des nouvelles mesures aux postes-frontières rend nerveuses les agences de voyages qui offrent des voyages en autocar. «Nous avons eu des clients qui ont choisi de voyager vers les États-Unis en mai parce qu'ils ne voulaient pas attendre à juin en raison des nouvelles exigences. Nous nous attendons à une certaine réduction de la demande pour les destinations américaines au cours des prochaines semaines», affirme Elyes Erraies, propriétaire de l'agence montréalaise Thématours.

Mais comme le veut le dicton, le malheur des uns fait le bonheur des autres. «Si les Québécois voyagent moins aux États-Unis, ce n'est pas nous qui allons nous en plaindre», lance André Poulin, directeur général de Destination: Centre-ville, organisme voué à la promotion de Montréal comme destination touristique.

Avec William Leclerc