Au début, ils sont enchantés. « Enfin quelqu'un pour dire à mon voisin de couper son arbre dont les feuilles tombent dans ma piscine ! » Puis, lorsqu'ils sont informés que les médiateurs ne régleront pas leurs problèmes à leur place, ils sont déçus. « Mais règle générale, ils continuent quand même », dit Carol Brassard, médiateur citoyen à Chambly.

La médiation par des citoyens pour régler des problèmes de voisinage s'implante de plus en plus au Québec - elle sera même célébrée ce mardi par la Journée nationale de la médiation citoyenne. « Elle est beaucoup plus implantée en France », note Serge Charbonneau, du Regroupement des organismes en justice alternative du Québec.

Mais dans les tribunaux du Québec, à la division des petites créances, les parties sont désormais encouragées - sinon carrément forcées par le juge ! - à négocier pour trouver un terrain d'entente. « Un juge m'a déjà dit : il vaut mieux que vous vous entendiez plutôt que je décide », se souvient M. Charbonneau, lors d'une affaire qui l'avait mené devant les tribunaux.

Car les délais à la cour peuvent être très longs, jusqu'à 18 mois aux petites créances. Pendant ce temps, les voisins continuent à se jeter des regards noirs par-dessus la clôture. Dans les municipalités où le service existe, les médiateurs se font connaître par le journal local, des affiches, ou même par les policiers qui leur envoient des voisins chicaniers.

Il s'agit d'un service gratuit, offert par des bénévoles qui ont suivi une formation. Les médiateurs écoutent d'abord longuement le plaignant. Les gens ont parfois simplement besoin d'être écoutés. « Il n'y a personne qui écoute les gens en conflit », observe Suzie Martineau, de Ressources Alternatives Rive-Sud. « Des fois, ils n'ont besoin que d'un temps d'arrêt pour voir le problème sous un autre angle. » Et de réaliser que le voisin, même si ça ne leur plaît pas de l'admettre, est dans son droit. Une jeune famille, ça fait nécessairement plus de bruit que la dame seule qui a déménagé.

S'ils ne se fiaient qu'à ce témoignage, les médiateurs concluraient que leur voisin est effectivement un monstre, mentionne Carol Brassard. Ils entrent donc en contact avec le voisin impliqué. C'est alors que, bien souvent, l'histoire devient plus nuancée.

« Au début, les gens sont surpris, raconte le médiateur. Ou alors, ils nous disent : ah non ! pas encore ce chialeux-là ! » Le voisin a le loisir d'exprimer son point de vue. « Souvent, il réalise à ce moment que la situation cause un réel problème pour l'autre, et ça crée une ouverture », dit Mme Martineau.

Les parties se font toujours offrir une rencontre face-à-face en présence des médiateurs. La majorité refuse, mais elles arrivent toutefois à trouver un terrain d'entente, que ce soit par un échange de lettres, ou un engagement à respecter, ou encore en choisissant une autre façon de communiquer. « Parfois, les gens nous disent : je ne peux pas supporter le voisin, mais je peux parler avec sa femme », dit M. Brassard.

Cachez cette chicane...

« Ici, les gens n'aiment pas la chicane, dit Serge Charbonneau. Quand on leur dit qu'ils doivent s'occuper d'un conflit, ils n'aiment pas ça. Il faut leur dire qu'on va régler la chicane d'une manière respectueuse, sans se crier après. »

Et beaucoup ont peur de faire des compromis. « Il y a une sorte de quête de la victoire chez les gens », observe Serge Charbonneau. « Mais il y en a qui commencent à comprendre qu'il n'y a jamais de gagnant là-dedans. »