La deuxième journée de témoignage de Brian Mulroney devant la commission Oliphant a été marquée par ses critiques virulentes de la responsabilité des médias dans le calvaire qu'il dit endurer avec sa famille depuis le début de l'affaire Airbus.

Les critiques à l'endroit des journalistes étaient présentes dans presque tous les aspects de son témoignage, hier. Ainsi, ces «grands enquêteurs», comme il en a désigné certains d'un ton ironique et amer, ont mal interprété ses propos en écrivant qu'il avait nié avoir entretenu des relations d'affaires avec Karlheinz Schreiber, dans un témoignage en 1996, et ils se sont trompés en disant qu'il avait payé ses impôts en retard.

 

Pour cet ancien premier ministre, l'émotion a atteint son comble lorsqu'il a éclaté en sanglots en tentant de décrire les effets qu'avait eus sur sa famille et lui la lettre de demande d'assistance que la GRC a envoyée aux autorités suisses en 1995. Le gouvernement canadien, qui a dû par la suite payer un dédommagement de 2,1 millions à Brian Mulroney, l'accusait d'avoir reçu des pots-de-vin pour l'achat de 34 appareils Airbus par Air Canada en 1988.

Sanglots

«M. le commissaire, Nicolas avait 10 ans. Et il...» a-t-il tenté d'articuler, mais sans y parvenir. Son avocat Guy Pratte, qui a terminé son interrogatoire de deux jours hier, venait de lui demander: «C'est évident que ce n'est pas facile pour vous. Alors je vais juste vous demander si vous sentez qu'il est approprié de décrire plus en détail l'impact sur votre famille.»

Quelques minutes plus tard, l'équipe de communications de l'ancien premier ministre a publié un communiqué de presse pour dire que c'était la vue de deux journalistes qui enquêtent activement dans son dossier depuis plusieurs années, en train de rire dans l'assistance, qui l'avait mené à ainsi perdre la maîtrise de lui-même. Les deux journalistes en question, l'un de CBC, l'autre du Globe and Mail, ont nié cette accusation.

Au cours de cette seconde journée de témoignage, M. Mulroney a entre autres expliqué pourquoi il avait déclaré cinq ans plus tard les 225 000$ en argent comptant qu'il admet avoir reçu dans des chambres d'hôtel de Montréal et de New York, dans les mois qui ont suivi son départ du poste de premier ministre. M. Mulroney s'était alors prévalu du programme de divulgations volontaires, qui permet à des contribuables qui ont omis de déclarer certains revenus de rectifier le tir par la suite. Une enquête du Globe and Mail et de CBC avait révélé cette information en 2007.

Selon le témoin, il ne s'agissait pas d'une erreur, encore moins d'une omission. Le temps était simplement venu pour lui de déclarer comme revenus les sommes versées par Karlheinz Schreiber qui, selon lui, étaient des acomptes (retainers) pour services à rendre. Il n'a pas précisé pourquoi ces sommes étaient devenues à ce moment précis sujettes à une déclaration d'impôt. Il n'a pas, non plus, répété ce qu'il avait déclaré devant le comité parlementaire de l'éthique, en décembre 2007, à savoir que c'est l'arrestation de Karlheinz Schreiber, en 1999 à Toronto, qui l'avait convaincu de le faire.

La question-clé

«J'ai payé mes impôts quand ils sont devenus dus et exigibles. Donc, je vois parfois des choses dans les médias qui disent que j'étais en retard pour mes impôts... Je connais quelqu'un qui serait en désaccord avec cela», a néanmoins tenu à préciser M. Mulroney.

Quant à son interrogatoire dans sa cause de diffamation contre le gouvernement, en 1996, et dans lequel il n'a pas mentionné les paiements en question, il s'est défendu d'avoir induit les procureurs du gouvernement en erreur. «Personne ne m'a posé la question-clé», a-t-il souligné. L'existence de ces paiements a été révélée dans le Globe and Mail après cet interrogatoire et donc après le règlement à l'amiable avec le gouvernement fédéral.

Mais «encore ce matin, dans un quotidien canadien majeur, je me fais reprocher par un chroniqueur politique d'avoir induit la cour en erreur par rapport à cet élément en particulier», a encore une fois ajouté l'ancien premier ministre.

«C'est ce contre quoi nous devons nous battre...» a-t-il conclu, s'adressant au commissaire Jeffrey Oliphant.

Les audiences de cette commission d'enquête chargée de faire la lumière sur ses relations commerciales avec l'homme d'affaires Karlheinz Schreiber se poursuivent aujourd'hui, à 10h30, avec le contre-interrogatoire de M. Mulroney par l'avocat principal de la commission, Richard Wolson.

À lire aussi, en page A11, la chronique de Vincent Marissal: Les gaufrettes d'Iggy, les enveloppes de Mulroney