Brian Mulroney a contredit Karlheinz Schreiber en disant qu'il lui a rendu des comptes sur ses démarches internationales lors de deux rencontres dans des hôtels de Montréal et de New York, mais que l'homme d'affaires n'a pas paru très intéressé par ces détails.

Lors de sa deuxième journée de témoignage devant la commission Oliphant, l'ancien premier ministre a expliqué quelle était sa stratégie à l'époque pour tenter de faire mousser la popularité des véhicules de la compagnie allemande Thyssen auprès de membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies.

M. Schreiber était le représentant de la compagnie au Canada et il a versé entre 225 000 et 300 000 dollars en argent comptant à Brian Mulroney dans des chambres d'hôtel de Montréal et de New York dans les mois qui ont suivi son départ du poste de premier ministre.

La commission Oliphant a été mise sur pied pour déterminer pourquoi ces paiements ont été faits. M. Mulroney soutient que c'était pour sonder l'intérêt des décideurs internationaux pour l'un des véhicules blindés de Thyssen, que la compagnie espérait construire au Canada. M. Schreiber prétend que c'était plutôt pour faire avancer le projet de construction d'usine auprès de politiciens canadiens.

Lors de son propre témoignage, Karlheinz Schreiber avait semblé surprendre l'avocat de la commission, Richard Wolson, en affirmant que jamais Brian Mulroney ne lui avait rendu de comptes sur les démarches accomplies en contrepartie de ces paiements.

Mais mercredi matin, M. Mulroney l'a contredit en disant qu'il lui en avait brièvement parlé lors de la deuxième de leurs trois rencontres, dans un salon de thé de l'hôtel Reine-Élizabeth, à Montréal. C'est là que M. Schreiber lui a remis une seconde enveloppe remplie de billets de mille dollars.

Il a ajouté qu'il en avait aussi été question lors de leur troisième rencontre, à l'hôtel Pierre de New York, en décembre 1994. « Je lui ai rendu des comptes complets, de A à Z, sur ce que j'avais tenté de faire, par rapport au concept aux Nations unies », a précisé M. Mulroney.

Il a expliqué que ce «concept» était de sonder l'intérêt des dirigeants des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU pour l'acquisition d'un véhicule commun pour toutes les missions de paix des Nations unies.

L'ancien premier ministre a relaté à la commission comment il avait approché des dirigeants et hauts-fonctionnaires chinois, l'ex-président russe Boris Eltsine et l'ex-président français François Mitterand, à partir de l'automne 1993. Il a insisté sur le fait que son intention n'était pas de leur vendre ces véhicules.

Selon M. Mulroney, François Mitterand, qui est mort peu de temps après leur rencontre, lui aurait dit que l'idée était «géniale».

Le témoin a aussi déclaré qu'il n'avait pas ouvert le coffret bancaire dans lequel il a placé l'argent reçu de Karlheinz Schreiber à New York spécifiquement pour cette transaction. Il a dit l'avoir fait quelques jours plus tôt, pour y placer des documents sensibles confiés par un client d'Amérique du sud.

L'interrogatoire de Brian Mulroney par son propre avocat se poursuit mercredi. Il sera suivi de celui de l'avocat de la commission, Richard Wolson.

Par ailleurs, Me Wolson a confirmé en début de journée que Karlheinz Schreiber avait été hospitalisé et opéré à la vésicule biliaire, hier. Il a dit ignorer pour l'instant comment l'état de santé de cet acteur principal de l'affaire affecterait les travaux de la commission.