Brian Mulroney a plaidé pour que le contexte de ses relations d'affaires avec Karlheinz Schreiber soient pris en considération, lors des premières heures de son très attendu témoignage à la commission Oliphant.

L'ancien premier ministre a tenté de prendre ses distances face à l'homme d'affaires germano-canadien, en décrivant leurs relations d'avant son arrivée au pouvoir, en 1984, comme étant pratiquement inexistantes.

M. Mulroney, qui est arrivé dans la salle d'audience remplie en compagnie de sa femme et de deux de ses enfants, a dit que dans les années 1980, M. Schreiber était un homme d'affaires respectable. Ce n'est qu'en 1999 qu'un mandat d'arrêt international a été émis contre lui, a-t-il précisé.

«Je ne connaissais rien des troubles qu'il a eus, je ne le connaissais que comme un entrepreneur accompli. Et voilà qu'il devenait un fugitif de la justice allemande. Il s'agit de deux personnes différentes...» a-t-il indiqué.

«Relation légale»

La commission Oliphant doit notamment déterminer pourquoi M. Mulroney a accepté au moins 225 000 dollars en argent comptant de M. Schreiber dans des chambres d'hôtel de Montréal et de New York, dans les mois qui ont suivi son départ du poste de premier ministre.

«Ma relation d'affaires avec M. Schreiber était légale et n'incluait aucune action fautive quelle qu'elle soit et en aucun moment de mon côté», a insisté l'ancien premier ministre.

Il a dit toutefois regretter que la manière dont cette relation a été menée ait pu donner lieu à des soupçons.

«J'accepte certainement que des arrangements inadéquatement documentés sont inappropriés pour un ancien titulaire de charge publique et devraient être évités à tout moment.»

Il n'existe aucune entente écrite entre les deux hommes, ni aucune preuve des paiements, autre que leur propre témoignage. De plus, M. Mulroney n'a déclaré ces sommes à l'impôt que cinq ans plus tard.

«Alors qu'on examine ma conduite ici, et en particulier mes tentatives légitimes de garder privées ma vie privée et celle de ma famille, ce contexte ne devrait pas être oublié», a conclu M. Mulroney, dans une déclaration entrecoupée de quelques questions de son avocat, dans les premières dix minutes de son témoignage.

Interrogé par son avocat

Le témoin est présentement interrogé par son propre avocat, Guy Pratte. Ce n'est qu'une fois cet interrogatoire terminé que l'avocat de la commission, Richard Wolson, pourra lui poser des questions. Me Pratte s'est prévalu des règles qui régissent les commissions d'enquête pour pouvoir procéder de cette manière.

Au cours de cette première portion de témoignage, l'ancien premier ministre s'est étendu longuement sur certains souvenirs : son enfance à Baie-Comeau, la mort de son père, ses deux courses au leadership du Parti progressiste conservateur.

Quant au projet de construction d'une usine de véhicules blindés au Cap Breton (Bear Head), il a dit s'y être intéressé tout particulièrement en raison des emplois qui pouvait être créés dans la région. Il a également insisté sur le fait qu'il était normal pour un premier ministre d'aller à l'encontre des recommandations des fonctionnaires. Il a été mis en preuve que M. Mulroney avait montré un intérêt soutenu pour le projet pendant plusieurs années, malgré l'opposition constante des bureaucrates.

Tant M. Mulroney que M. Schreiber affirment que l'argent payé visait le projet Bear Head, mais les deux hommes ne s'entendent pas sur la nature du mandat. L'homme d'affaires prétend que c'était pour faire avancer le projet auprès de politiciens canadiens, tandis que l'ancien premier ministre affirme qu'il devait plutôt approcher des dirigeants internationaux.

Victime des médias?

Comme il l'avait fait auparavant, M. Mulroney a fustigé Stevie Cameron, auteure de plusieurs livres sur l'affaire Airbus, et l'émission de la CBC The Fifth Estate, qui a enquêté sur les allégations de pots-de-vin dans l'achat d'avions par Air Canada en 1988.

«À ce jour, aucune preuve d'acte fautif n'a été faite, 20 ans - 20 ans! - après que les rumeurs eurent fait surface pour la première fois», a-t-il rappelé.

«Ces événements nous ont marqués, moi et ma famille, pour la vie, a-t-il ajouté. Et ça explique ma conduite en tentant de garder privées les transactions commerciales privées que j'ai amorcées avec M. Schreiber après que j'eus quitté le gouvernement.»

Selon lui, le rapport juricomptable prouve son point : «Ces paiements n'avaient rien à voir avec Airbus», a-t-il affirmé.

«Mais comme vous le savez, des médias ont déformé cette preuve pour suggérer un lien, même mince, vers des actions fautives de ma part», s'est plaint l'ancien premier ministre.

La semaine dernière, son équipe de communications a envoyé un communiqué pour dénoncer le traitement de la nouvelle par CBC. Le rapport Navigant établit que l'argent reçu par Brian Mulroney provenait d'un bassin de fonds alimenté en grande majorité par des commissions payées par Airbus à Karlheinz Schreiber.

Ses auteurs ont toutefois précisé que rien ne prouvait que M. Mulroney connaissait la provenance de ces fonds.