Les associations de défense des libertés civiles n'en voulaient pas. Le Commissariat à la protection de la vie privée n'en voulait pas. Même l'industrie n'en voulait pas. Comment la puce IRF s'est-elle retrouvée malgré tout dans le permis Plus?

Dès 2006, un rapport d'analyse de la Commission d'accès à l'information du Québec (CAI) mettait en garde le gouvernement contre l'utilisation de l'identification par radiofréquence (IRF). Des craintes qui ont été réitérées le 5 février dernier dans un communiqué du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. Celui-ci s'inquiétait de «l'atteinte potentielle à la vie privée que représente la technologie IRF, qui pourrait permettre de repérer subrepticement des personnes qui détiennent un permis Plus».

 

Même les représentants de l'industrie de l'IRF s'opposent à l'utilisation de cette puce. «J'aimerais beaucoup savoir pourquoi on a choisi d'utiliser l'IRF dans ce cas. Ce n'est pas un bon usage de cette technologie», a dit à La Presse Catherine Johnston, présidente d'ACT Canada, qui représente les intérêts américains et canadiens de l'industrie de l'IRF.

«La technologie EPC, retenue pour le permis Plus, est la moins sécuritaire de toutes. Elle est très utile pour suivre des marchandises, par exemple pour identifier des palettes dans des entrepôts ou des camions. Mais ça n'a jamais été conçu pour suivre des personnes», a poursuivi Mme Johnston, inquiète que les permis Plus ne donnent une mauvaise image à l'industrie de l'IRF.

Obligation du Department of Homeland Security

Alors pourquoi a-t-on intégré au permis Plus cette puce si mal aimée?

Selon les responsables de la SAAQ, le choix revenait au ministère de la Sécurité intérieure, le Department of Homeland Security (DHS) du gouvernement américain. «Nous avons suivi à la lettre toutes les spécifications fournies par le DHS. C'est une obligation pour quiconque veut mettre au point un permis Plus», a expliqué Sylvie Boulanger, directrice du développement des permis, de l'immatriculation et de l'harmonisation.

Ces spécifications font partie de la Western Hemisphere Travel Initiative (WHTI), un programme issu d'une loi à visée antiterroriste votée en 2004 par le Congrès américain, alors républicain. Lors de la législature suivante, à majorité démocrate, un sous-comité sur la sécurité aux frontières a recommandé le retrait de l'IRF dans le projet des permis Plus.

«Cette technologie peut être utilisée pour suivre les comportements humains, de façon difficile à prédire», indique le rapport. «L'usage de l'IRF ne représente qu'un gain marginal quant à la vitesse de passage à la douane, comparé aux autres possibilités comme les processeurs à contact, les codes barres ou la reconnaissance optique. (...) L'IRF comporte des risques supplémentaires par rapport à ces technologies.»

Alors gouverné par les républicains, le DHS a décidé d'aller de l'avant malgré tout. Les permis Plus délivrés dans les différents États et provinces frontaliers se sont conformés à sa décision.

Le Québec est la première province canadienne à délivrer des permis Plus à ses citoyens. Elle a été suivie par la Colombie-Britannique et le Manitoba. La plupart des autres provinces ont annoncé la mise en place de leur propre permis Plus pour bientôt.