L'ancien premier ministre Brian Mulroney a demandé au greffier du conseil privé, Paul Tellier, de lui dire comment avançait le projet Bear Head, après avoir pourtant dit quelques mois plus tôt à son chef de cabinet, Norman Spector, que ce projet était mort.

C'est ce que M. Tellier a déclaré lors de son témoignage à la commission Oliphant, hier. Cet ancien PDG de Bombardier s'est cependant ajouté à une longue liste d'anciens proches collaborateurs de M. Mulroney qui ont affirmé sous serment qu'ils n'ont jamais subi de pression directe de sa part dans le dossier.

 

La réunion en question s'est déroulée en avril 1991, dans l'un des bureaux du premier ministre, dans l'édifice Langevin à Ottawa, en présence du lobbyiste et ancien chef de cabinet de Brian Mulroney, Fred Doucet, et de l'homme d'affaires germano-canadien, représentant de la compagnie Bear Head, Karlheinz Schreiber.

«Le premier ministre m'a demandé quelque chose comme: «Paul, où en sommes-nous avec Thyssen ? «, s'est souvenu M. Tellier. Et j'ai essayé de lui décrire du mieux que je pouvais le statut du dossier.»

À l'époque, plusieurs hauts fonctionnaires étaient formellement opposés au projet Bear Head, qui visait la construction d'une usine de véhicules blindés au Canada par la compagnie allemande Thyssen. L'une des préoccupations était son coût pour le gouvernement. Lors de son témoignage la semaine dernière, l'ancien chef de cabinet Norman Spector a expliqué à la commission qu'il avait annoncé, en décembre 1990, à M. Mulroney que ces coûts pourraient s'élever à trois quarts de milliard, et que son patron lui avait alors dit: «Dans ce cas, le projet est mort.»

À la suite de cette réunion, Fred Doucet et Karlheinz Schreiber ont fait parvenir une nouvelle proposition à Paul Tellier. Mais après analyse, les fonctionnaires fédéraux en sont arrivés à des conclusions semblables.

Par ailleurs, le commissaire Jeffrey Oliphant et un autre témoin, le sénateur et ancien ministre responsable de l'Agence de promotion du Canada atlantique, Lowell Murray, se sont montrés surpris, hier, que des commissions de plusieurs milliers de dollars aient pu être payées en 1988 par Thyssen pour la signature d'une entente de principe avec le gouvernement. Il était pourtant clair dans cette entente qu'elle ne créait aucune obligation pour le gouvernement.

Selon Karlheinz Schreiber, les quelque 225 000 à 300 000$ en argent comptant qu'il a remis à Brian Mulroney dans les mois qui ont suivi son départ du gouvernement provenaient du même compte en banque suisse dans lequel ces commissions avaient été déposées. La commission d'enquête Oliphant doit expliquer pourquoi M. Mulroney a reçu ces sommes d'argent. La firme Navigant doit justement déposer aujourd'hui un rapport comptable qui doit démêler les chemins qu'ont suivis ces paiements.