Le pape Benoît XVI n'a pas offert d'excuses officielles, mais il a «exprimé son chagrin» et «offert sa sympathie et sa solidarité dans la prière» à l'égard des «enfants indigènes» victimes d'assimilation et d'agressions sexuelles dans les pensionnats canadiens.

De telles agressions «ne peuvent être tolérées», a ajouté le pape hier au cours d'une audience au Vatican avec des représentants autochtones.

 

Le chef de l'Assemblée des premières nations, Phil Fontaine, qui avait précisé avant son départ pour Rome que cette rencontre avait été précédée de «nombreux mois de diplomatie discrète mais constante», a déclaré hier que les propos du pape allaient permettre aux autochtones de «tourner la page» sur ce triste chapitre.

«Le fait que le mot «excuse» n'ait pas été utilisé ne devrait pas diminuer [l'importance] de ce moment d'aucune façon», a-t-il dit en entrevue à CBC hier.

Ce n'est pas du tout l'opinion de Richard Kistabish. Cet Algonquin de Val-d'Or, qui a passé 10 ans dans un de ces pensionnats mis sur pied pour assimiler les autochtones, avait été beaucoup plus touché par les excuses présentées par le gouvernement canadien, le 11 juin dernier. «Je trouve honorable la démarche de Phil Fontaine, mais je doute qu'il ait obtenu ce qu'il souhaitait vraiment. Tout ce que le pape a dit, c'est qu'il était triste de ce qui s'était passé. C'est bien peu quand on pense à tout ce qu'on a subi dans ces pensionnats.»

De la fin du XIXe siècle jusqu'aux années 70, environ 150 000 enfants indiens, métis et inuits, ont été coupés de leurs familles et parqués dans des pensionnats où on s'est employé à leur faire perdre leur langue, leur identité et leur dignité. Environ 80 000 d'entre eux sont toujours vivants et se partagent des compensations du gouvernement du Canada qui pourront s'élever jusqu'à 6 milliards.

«Encore aujourd'hui, mes frères, mes soeurs et moi avons du mal à parler de cet épisode, dit M. Kistabish. C'est par bribes que nous racontons ou que nous apprenons ce que chacun a vécu là-bas.»

Des regrets insuffisants

Face à tant de souffrances, Ghislain Picard, président de la section québécoise de l'Assemblée des premières nations, croit aussi que ces regrets papaux du bout des lèvres sont insuffisants. «C'est aux victimes de se prononcer, mais il me semble pour ma part que si les églises anglicane, presbytérienne et unie ont été capables de présenter leurs excuses au cours des dernières années, l'Église catholique devrait être capable d'en faire autant.»

Ellen Gabriel, présidente de Femmes autochtones du Québec, ne se montrait pas surprise du peu que Phil Fontaine ait pu arracher au pape. «Le Vatican continue manifestement de redouter des poursuites reliées à l'épisode des pensionnats», a-t-elle dit.

Pour Bruno Roy, président du Comité des orphelins de Duplessis qui n'a jamais obtenu quelque excuse que ce soit de l'Église - «pas même une simple rencontre» - Phil Fontaine aurait dû éviter de se prêter «à cette mascarade, à cette opération de marketing» du Saint-Siège.

Gilles Routhier, professeur à la faculté de théologie et de sciences religieuses à l'Université Laval, est plus positif. Contrairement à Jean-Paul II qui a présenté des excuses à maintes reprises - pour les croisades, l'Inquisition, la colonisation, etc. - Benoît XVI en présente très peu. Dans un langage codé, Benoît XVI a tout de même exprimé de réels regrets qui s'inscrivent dans un début de démarche de réconciliation. Mais sur le fond, dit-il, «étant donné la relative autonomie des congrégations religieuses et des églises locales, la réelle responsabilité du Vatican reste à être démontrée. (Pour les pensionnats), ce sont des évêques qui ont pris la décision, et non le pape.»

Avec l'AFP et La Presse Canadienne