La commission Oliphant a entendu un témoin aux prises avec de sérieux trous de mémoire, hier.

Fred Doucet, acteur clé de l'affaire Mulroney-Schreiber, n'est pas arrivé à se souvenir d'éléments cruciaux de l'enquête, comme d'une facture de 90 000$ qu'il a lui-même envoyée à Karlheinz Schreiber quelques mois après son départ du gouvernement et de lettres faisant allusion aux avions Airbus achetés par Air Canada en 1988, qu'il a lui-même signées.Ces oublis de l'ancien proche conseiller de Brian Mulroney et lobbyiste ont paru mystifier l'avocat principal de la commission, Richard Wolson, et le commissaire, Jeffrey Oliphant.

«Vous avez une très bonne mémoire pour certaines choses», a noté Me Wolson durant son interrogatoire, qui a duré pendant toute la journée et qui se poursuivra encore aujourd'hui.

«Mais vous n'êtes pas capable de vous souvenir d'un chèque de 90 000$ alors que vous veniez de quitter le gouvernement - une somme qui excède de loin tout montant reçu au gouvernement.»

L'avocat a été par la suite plus conciliant, en lui disant qu'il savait qu'il avait subi une chirurgie cardiaque il y a plusieurs années et que ça avait pu affecter sa mémoire. Le témoin a répondu par l'affirmative.

Fred Doucet a été chef de cabinet de Brian Mulroney lorsqu'il était chef de l'opposition. Entre 1984 et mai 1987, il a été l'un de ses conseillers principaux. De mai 1987 à août 1988, il était président du Comité organisateur pour les sommets internationaux.

Plusieurs témoins ont déjà indiqué à la commission qu'il était un ardent défenseur du projet d'usine de véhicules blindés en Nouvelle-Écosse (le projet Bear Head) alors qu'il était au bureau du premier ministre.

Richard Wolson a annoncé hier que le sénateur Lowell Murray devrait dire, lors de son témoignage à titre d'ancien ministre responsable de l'Agence de promotion du Canada atlantique, plus tard cette semaine, que M. Doucet a continué à tenter de faire avancer le projet même lorsqu'il était au comité organisateur.

De fonctionnaire à lobbyiste en trois jours

Des preuves présentées à la commission hier semblent par ailleurs prouver que Fred Doucet a commencé à travailler comme lobbyiste pour la société Bear Head dans les jours qui ont suivi son départ du gouvernement.

Quelques semaines plus tard, il a reçu un paiement de 90 000$ de l'une des entreprises de Karlheinz Schreiber. L'argent provenait de la société allemande Thyssen, société mère de Bear Head, et avait transité par le compte de banque suisse Frankfurt.

Les centaines de milliers de dollars versés dans des chambres d'hôtel de Montréal et de New York à Brian Mulroney dans les mois qui ont suivi son départ du gouvernement ont transité par le même compte.

La commission Oliphant a été mise sur pied pour découvrir pourquoi l'ancien premier ministre a reçu ces sommes d'argent.

Dans le cas de Fred Doucet, Karlheinz Schreiber affirme qu'il s'agissait d'une commission pour récompenser le fait que le gouvernement fédéral avait signé une entente de principe en septembre 1988 pour ce projet qui ne s'est finalement jamais concrétisé. Mais le lobbyiste le nie. Il a indiqué hier qu'il s'agissait plutôt d'un acompte versé par l'homme d'affaires germano-canadien pour des services futurs.

L'explication n'a pas paru convaincre le commissaire Oliphant. «Malheureusement, ce n'est pas ce qui est écrit (sur la facture), a-t-il souligné. Ça dit pour des services professionnels.»

Quant aux lettres liées à Airbus, M. Doucet a dit n'en avoir aucun souvenir. Deux d'entre elles ont été envoyées le jour où MM. Mulroney et Schreiber se sont rencontrés à l'hôtel de l'aéroport de Mirabel pour le premier paiement, le 27 août 1993. Le lobbyiste y discutait le nombre d'avions achetés par Air Canada. La transaction de 1,8 milliard a engendré de généreuses commissions. M. Doucet a toujours nié avoir été impliqué dans la transaction.