Le Québec compte une paroisse protestante francophone supplémentaire depuis novembre. Menacée de fermeture, une église de Sainte-Adèle croit avoir trouvé son salut en se convertissant... au français. Une première au pays.

L'Église unie de Sainte-Adèle ne comptait plus que cinq, voire six fidèles quand elle a dû se rendre à l'évidence: la situation ne pourrait plus durer très longtemps ainsi. Il fallait trouver du sang neuf pour regarnir les bancs le dimanche. Mais où? Pourquoi pas dans les rangs de la communauté francophone, qui représente plus de 80% de la population du charmant village des Laurentides? a suggéré la nouvelle pasteure - francophone - Johanne Gendron.

 

Le conseil de la paroisse, formé en majorité de ce qu'il convient d'appeler «des personnes d'un âge vénérable», anglophones, s'est réuni en assemblée générale pour débattre de la question. «Et on a trouvé que c'était une bien bonne idée finalement», dit Margaret Hourston, trésorière de l'Église unie.

«Nous avons déjà eu une communauté très active, mais au fil des ans, elle a diminué beaucoup. Dans les Laurentides, les jeunes sont de plus en plus francophones - et les anglophones connaissent tous aussi le français -, alors on a plus de chances de trouver de la relève en passant au français», explique-t-elle d'une voix douce.

Depuis novembre, Johanne Gendron prononce toutes ses homélies, toutes ses lectures et toutes ses prières en français. Au besoin, elle donne quelques explications en anglais - qu'elle parle à la perfection -, mais elle n'a pas eu de plaintes de fidèles. Au contraire: l'une d'entre eux, unilingue, a plutôt décidé de suivre des cours de français... Sur le lutrin de l'orgue de Marcel Day, 86 ans, les partitions sont les mêmes qu'avant Noël. «Dans une langue ou une autre, l'essentiel du message reste inchangé et c'est ce qui compte.»

Une première

L'initiative de Sainte-Adèle est une première au Québec, «et fort probablement au Canada», dit le porte-parole de l'Église unie du Canada, David Fines. «C'est un geste très courageux que d'autres églises n'ont pas osé faire, et elles ont été obligées de fermer.»

Les résultats de la métamorphose sont toutefois encore timides. Hier, 11 personnes ont assisté à la célébration hebdomadaire, dont trois acteurs incontournables: la pasteure, son mari et Marcel, toujours fidèle au poste devant son orgue.

Margaret Hourston espère en voir plus du double d'ici la fin de l'année. «Elle est optimiste!» réagit Johanne Gendron, qui préfère ne pas se fixer d'objectif. «Mais on sent qu'il y a plus d'intérêt. On parle plus de nous dans la communauté», insiste-t-elle. Elle croit que l'Église unie pourrait attirer les francophones déçus de certaines positions du Vatican. «Nous ouvrons notre porte aux homosexuels et nous acceptons de marier des couples divorcés», rappelle-t-elle. Depuis quelques semaines, un nouveau visage vient régulièrement faire son tour et deux supporteurs de Johanne Gendron l'ont suivie de son ancienne église de Prévost à celle de Sainte-Adèle.

À la fin de la cérémonie, devant le parvis de la petite église, les conversations se poursuivent dans un joyeux mélange d'anglais et de français jusque dans le restaurant où le groupe a pris l'habitude d'aller bruncher chaque semaine. «J'espère juste qu'on pourra toujours continuer à le faire quand on sera très nombreux!» dit Mme Gendron.