Le consortium privé qui construit l'autoroute 25 a lui-même fait l'étude qui lui permet de refiler une facture de décontamination de 14,8 millions de dollars au ministère des Transports. Ce travail est fait sans appel d'offres, selon les termes du contrat de partenariat. Et cette étude des sols réalisée sur les terrains du Ministère est tenue secrète pour le moment.

En effet, selon ce que La Presse a appris, la firme d'ingénierie Genivar, qui fait partie du Consortium A25 ayant remporté le contrat du prolongement de l'autoroute 25 vers Laval, a procédé à l'analyse des sols, après l'octroi du contrat.

Les travaux de décontamination sont déjà commencés. «On paye la facture et les travaux se font à mesure qu'on avance, dit Sandra Sultana, directrice du bureau des travaux de la 25 au ministère des Transports. C'est la main-d'oeuvre du contracteur, du partenaire privé.»

«C'est comme si le loup se servait dans le poulailler à volonté, dit Stéphane Bergeron, député de Verchères et critique de l'opposition en matière de transport. Si ce n'est pas un conflit d'intérêts, ça en a toutes les apparences.»

«Si j'avais été le ministère des Transports, j'aurais demandé une analyse indépendante», affirme Pierre J. Hamel, professeur à l'Institut national de recherche scientifique.

Selon Mme Sultana, du MTQ, «nos ingénieurs-conseils de la firme CIMA+ BPR sont sur le terrain pour s'assurer que les pesées sont bien faites et que les sols sont de la nature de ce qui est facturé».

«C'est une forme normale de surveillance, dit Pierre J. Hamel. Mais le Ministère est bien mal fichu de ne pas avoir ses propres salariés sur le terrain. Ces firmes qui se surveillent entre elles vont être partenaires dans d'autres projets.» Mme Sultana affirme que ces frais de surveillance s'ajouteront à la facture de 14,8 millions.

Il n'y a pas eu d'appel d'offres supplémentaire parce que la possibilité d'un dépassement des quantités estimées de terres contaminées était prévue au contrat de PPP, sur la base d'une évaluation «très préliminaire» des volumes en place, selon l'expression de Mme Sultana.

Si le Ministère avait voulu décontaminer son terrain avant l'octroi du contrat, il aurait dû faire un appel d'offres public. «Une dépense de 15 millions sans appel d'offres, c'est anormal, dit le député Bergeron. Le promoteur fait une étude qui montre qu'il y a 15 millions de dépassement de coûts et on octroie le contrat au même promoteur. Ça n'a rien de rassurant sur la formule en PPP.»

La porte-parole de Consortium A25, France Bouffard, confirme que c'est Genivar qui a fait les études de sol, de décembre 2007 à février 2008, après avoir obtenu l'octroi du contrat. «Le calcul des volumes de sols contaminés excavés et des paiements est fait en vertu de procédures bien encadrées, autant sur le site du chantier qu'aux sites de disposition des sols, affirme Mme Bouffard. Les paiements sont faits progressivement, sur la foi de pièces justificatives et de différents contrôles, dont ceux du MTQ.»

Mme Bouffard ajoute que c'est au MTQ de décider de rendre l'étude de sols publique. À cet égard, le ministère a demandé à La Presse de faire une demande en vertu de la Loi d'accès à l'information. Cette demande faite vendredi n'avait pas reçu de réponse hier.

Selon Mme Sultana, la première phase « très préliminaire » de cette étude a été faite «à l'interne» à la fin de 2006 et au début de 2007 afin d'inscrire au contrat les quantités «garanties» par le MTQ.

En effet, dans son contrat avec Concession A25, le ministère a prévu assumer les coûts au-delà de 35 000 mètres cubes pour les sols faiblement contaminés et de 6000 mètres cubes pour les sols plus fortement contaminés. Les nouvelles estimations parlent plutôt d'environ 600 000 mètres cubes et 50 000 mètres cubes, respectivement.

Selon Mme Sultana, la portion de sols plus fortement contaminés est responsable de la totalité des coûts supplémentaires.