Au premier jour de son témoignage devant la commission d'enquête Oliphant, la crédibilité du controversé homme d'affaires Karlheinz Schreiber a été lourdement mise à mal par le procureur de la commission, Richard Wolson.

À l'aide de documents, M. Wolson a démontré que M. Schreiber avait rencontré l'ex-premier ministre conservateur Brian Mulroney à de nombreuses reprises lorsqu'il était en poste, contrairement à ce que l'homme d'affaires germano-canadien avait affirmé à d'autres reprises, notamment sous serment lors du procès de l'entreprise Eurocopter, en 2004.À plusieurs reprises, M. Schreiber a été incapable de dire pourquoi ses versions variaient d'une enquête à l'autre quant à la proximité de sa relation avec M. Mulroney. Notamment, lorsqu'il est question de la rencontre entre les deux hommes en juin 1993, à la résidence d'été du premier ministre au lac Mousseau, les versions de M. Schreiber ont changé, selon les déclarations. L'homme d'affaires a réitéré hier que c'était à ce moment qu'il avait conclu une entente avec le premier ministre pour une collaboration professionnelle future.

La commission d'enquête dirigée par le juge Jeffrey Oliphant est chargée de faire la lumière sur les transactions financières entre M. Schreiber et l'ex-premier ministre Mulroney. Ce dernier a admis devant le comité de l'éthique des Communes, en 2007, avoir reçu 225 000$ en argent comptant de M. Schreiber pour faire un travail de lobbying international après son retrait de la vie politique. L'homme d'affaires affirme plutôt avoir remis 300 000$ à M Mulroney pour l'aider à convaincre le gouvernement canadien d'aller de l'avant avec le projet Bear Head, visant la construction d'une usine de véhicules blindés au Canada pour la société allemande Thyssen.

M. Schreiber a affirmé hier qu'il s'attendait à faire 1,8 milliard de dollars en commission avec les ventes sur le plan international des véhicules blindés qui seraient construits dans l'usine canadienne de Bear Head, qui n'a finalement jamais vu le jour. L'entreprise aurait pu faire, grâce à cette installation, jusqu'à 360 milliards de dollars de ventes, selon lui.

C'est avec désinvolture que l'homme d'affaires a raconté avoir amené 100 000$ en argent comptant - sans les déclarer aux douanes canadiennes -, à Brian Mulroney le 27 août 1993, dans une chambre d'hôtel de Mirabel, alors que ce dernier était toujours député. «Cent mille dollars ne m'ont jamais rendu nerveux», a-t-il dit.

M. Schreiber a par ailleurs nié de nombreuses informations contenues dans le livre de William Kaplan, A Secret Trial, datant de 2004.

«C'est la crédibilité de M. Schreiber qui était mise à l'épreuve aujourd'hui, a estimé un porte-parole de M. Mulroney, Robin Sears, présent à l'audience. Il y a eu plus de contradictions que jamais. Je pense qu'il s'est contredit trois fois seulement dans la première demi-heure de son témoignage. Les Canadiens pourront maintenant juger par eux-mêmes.»

Selon M. Sears, l'enquête publique servira à nettoyer la réputation de l'ex-premier ministre conservateur, entachée par cette histoire.

«Espérons que ce sera le chapitre final de cette attaque envers l'héritage qu'il laisse, et une fois que tout ça sera fini, espérons qu'une approche plus équilibrée de ce legs va ressurgir», a-t-il souligné en matinée.

À l'entrée, Karlheinz Schreiber, reconnu pour ses déclarations colorées, avait promis d'en mettre plein la vue, prédisant même «sept scandales en un». Après plus de quatre heures d'interrogatoire serré, le controversé homme d'affaires avait, à la sortie, la mine bien plus basse. Son témoignage devant la commission d'enquête devrait se poursuivre aujourd'hui et demain. L'ex-premier ministre comparaîtra pour sa part vers la fin de l'enquête.