Marie-Jude Franck Jean-Louis est arrivée au Québec il y a un mois. Seule et sans repères.

«Le lendemain de mon arrivée, je devais me rendre au bureau de l'immigration. Au refuge du YMCA, on m'a donné un petit papier rouge. Je l'ai mis dans mon sac, pensant que je devais le remettre aux gens de l'immigration. Dans le métro, j'ai poussé les tourniquets; c'était bloqué. Des policiers m'ont posé plein de questions. J'ai fini par leur montrer le papier rouge: c'était une carte de métro!»L'Haïtienne de 37 ans n'était pas au bout de ses peines. Pour tout immigrant, se débrouiller en terre inconnue représente un défi. C'est pour leur venir en aide qu'un comité gouvernemental recommande à Québec de mettre sur pied un programme de jumelage entre les nouveaux arrivants et la communauté d'accueil. «Cela nous aiderait à nous intégrer beaucoup plus rapidement», croit Mme Franck Jean-Louis.

Le gouvernement devrait aussi s'assurer que chaque nouvel arrivant reçoive des services d'accompagnement adaptés tout au long de son parcours d'intégration. C'est ce que recommande, dans un avis rendu public hier, le Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

«On choisit les immigrants pour leurs compétences, ils sont plus scolarisés que les Québécois, mais on les accueille mal, déplore le président du comité, Tommy Kulczyk. À Montréal, 50% des gens qui vivent de l'aide sociale sans contraintes sévères sont des immigrants. Si on investissait 1000$ dès le départ pour que chacun puisse être bien accueilli, cela coûterait 50 millions par an. Actuellement, ça coûte presque cinq fois plus cher en prestations d'aide sociale.»

Créé il y a trois ans, le comité recommande au gouvernement de procéder à un grand remue-ménage au sein des ministères et des institutions de la province. «Il faut changer nos façons de faire. Il faut privilégier la prévention. On est conscient que cela bousculera bien des habitudes, mais on ne peut pas se permettre de ne pas le faire», prévient M. Kulczyk.

Au total, le comité formule 20 recommandations, touchant surtout les personnes qui risquent le plus de sombrer dans la spirale de la pauvreté et de l'exclusion sociale: les nouveaux arrivants, les handicapés et les sans-abri.

Institutions responsabilisées

Le comité recommande notamment à Québec de rendre les hôpitaux, les prisons et les centres jeunesse responsables de la transition vers la société des personnes qu'elles accueillent.

«Trop de personnes qui quittent ces établissements sont laissées à elles-mêmes, dit M. Kulczyk. Prenez le cas d'un jeune souffrant de psychose toxique. L'hôpital le garde une semaine. Quand il obtient son congé, on lui donne un petit sac avec des médicaments et on l'envoie à la rue. Ce que l'on dit, c'est que les institutions doivent être imputables de leur réinsertion en société, et que des mesures systématiques d'accompagnement doivent être mises en place.»

Le comité s'inquiète particulièrement du sort des jeunes qui quittent les centres jeunesse de la province. Des jeunes que «l'État a décidé de prendre en charge pour les protéger et qui, le jour de leurs 18 ans, commencent leur vie adulte sans préparation adéquate pour s'insérer dans une société où, trop souvent, ils ne se sentent pas les bienvenus».

L'État devrait accorder les ressources nécessaires aux institutions pour qu'elles assurent un suivi auprès de leurs clientèles. «C'est beau de dire qu'on va changer les façons de faire, mais l'élastique est déjà étiré au maximum.»

Photo: Robert Mailloux, La Presse

Tommy Kulczyk, président du Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale