Les 70 000 ouvriers de la construction affiliés à la FTQ sont furieux «écoeurés de voir à quel point leurs cotisations ont été gaspillées», indique l'ancien directeur général de la FTQ-Construction, Yves Paré.

Pendant 10 ans, M. Paré a été le directeur de la centrale avant d'être remplacé par Jocelyn Dupuis en 1997.

«Dupuis a joué au caïd pendant des années. Malheureusement, Jean Lavallée et la FTQ-Construction ont fermé les yeux là-dessus ! Ils l'ont laissé faire», accuse M. Paré, joint en vacances en Floride. M. Lavallée «aurait dû être le chef de file» et prendre le taureau par les cornes, «la FTQ-Construction n'appartient pas à Jean Lavallée», lance-t-il.

M. Paré était directeur de la FTQ-Construction de 1988 à 1997. Jusqu'à l'automne dernier, il était au fonds de formation de la FTQ, et s'occupe désormais du secteur résidentiel.

«Je suis inquiet, mais surtout déçu de ce que je vois, insiste-t-il. C'est l'argent direct des travailleurs de l'industrie, on ne parle pas d'une enveloppe brune d'un entrepreneur, c'est l'argent de gars... il n'y a rien de plus écoeurant que ça !» Il se prélève 55 millions de dollars par année en cotisations auprès des 130 000 employés de la construction. La FTQ recueille 44 % de cette somme, selon les données de 2007 de la Commission de la construction.

En revanche, M. Paré soutient ne rien savoir des liens qu'entretenait le directeur de la FTQ-Construction avec les motards criminels. Dans une entrevue, le président de la FTQ, Michel Arsenault, a reconnu qu'il avait limogé M. Dupuis après qu'un policier à la retraite de la GRC, l'eut informé que le permanent Dupuis faisait l'objet d'une enquête, qui le reliait au blanchiment d'argent et aux motards.

Concernant les dépenses considérables de M. Dupuis - qui, selon un reportage de Radio Canada, avait présenté l'an dernier 125 000$ de frais de représentation en six mois, M. Paré affirme que «cela se fait depuis longtemps, au vu et au su de tout le monde». «Les travailleurs doivent être écoeurés, je n'en doute pas une seconde, de voir leurs cotisations servir à une personne qui s'est mis la main dans le pot», estime-t-il, ajoutant du même souffle que la FTQ-Construction «aurait dû se virer de bord et aller récupérer l'argent». Or Jocelyn Dupuis a plutôt reçu une prime de départ de 140 000$, selon Radio-Canada.

Pour M. Paré, Jean Lavallée n'avait pas accepté d'être mis de côté de la FTQ-Construction par le président de la centrale, Michel Arsenault. Il devait être candidat mais a fait faux bond à la dernière minute ; son poulain Roger Poirier est venu bien près de l'emporter au congrès de novembre 2008, contre Yves Mercure qui a finalement été élu.

Cette assemblée consacrait une rupture entre deux visions de la FTQ-Construction. «C'était coupé en deux... entre le groupe qui soutenait Jean Lavallée et Bernard Girard et l'autre qui soutenait Yves Mercure et Richard Goyette. Cela a passé par une couple de voix... je le sais, j'étais responsable de compter les bulletins!» révèle M. Paré. Richard Goyette a été l'adjoint de Jocelyn Dupuis.

«Arsenault a eu le guts d'aller demander à Dupuis de sacrer son camp, poursuit M. Paré. Pourquoi Lavallée ne l'a pas fait ? Aucune idée. Il était au courant, cela aurait pris un imbécile pour ne pas voir que l'autre roulait... pas à peu près!» En 11 ans, Jocelyn Dupuis a changé de style de vie ; «quand il est arrivé à la FTQ-Construction, il buvait du Pepsi, pas des bouteilles de vin à 200 $», souligne M. Paré.