Telle mère, telle fille? Le dicton ne dit pas tout à fait vrai quand vient le temps d'aborder la question féministe. Le sondage Segma-La Presse révèle des différences importantes entre les générations. Les jeunes sont trois fois moins nombreuses que leurs aînées à penser qu'il reste «certainement» des luttes à mener en 2009.

Hind Chraivi est catégorique: «On n'a plus besoin de se défendre pour obtenir les mêmes droits que les hommes: on en a même plus qu'eux, maintenant!» lance la jeune mère de 18 ans rencontrée dans une galerie commerciale de Montréal.

 

«Les baby-boomers ont réglé les gros problèmes; nous, on peut se tourner vers autre chose», ajoute Mimi Chang, 20 ans. Vers quoi, par exemple? «L'environnement, les problèmes d'intégration des minorités visibles, le taux de chômage...» énumère-t-elle. Mais elle ne se souvient pas avoir déjà abordé la question des inégalités homme-femme avec ses copines. À peine 4% des 18-24 ans estiment qu'il y a toujours beaucoup de discrimination au Québec. Ce taux grimpe à 18% chez les 35-40 ans, puis à 24% chez les 55-60 ans.

La majorité des Québécoises, peu importe leur âge, ont des opinions féministes, considèrent qu'il existe encore de la discrimination fondée sur le sexe au Québec et qu'il reste encore des luttes importantes à mener pour la pleine reconnaissance de leurs droits. «Mais il y a des écarts très significatifs entre les générations, signale le sondeur Raynald Harvey. Les plus jeunes ont l'impression que la discrimination est moins importante aujourd'hui et que les droits des femmes ont beaucoup progressé depuis les années 60.» La proportion des femmes qui estiment qu'il reste «certainement» des luttes à mener n'est que de 22% chez les 18 à 24 ans, alors qu'elle culmine à 62% chez les 65 ans et plus.

Gervaise Blier, 63 ans, s'en désole. «Il ne faut jamais arrêter de se battre, jamais baisser les bras, sinon on risque de perdre tout ce qu'on a si difficilement acquis, dit-elle. Cela m'inquiète de voir les jeunes aussi peu mobilisées. Elles connaissent mal tout le travail qui a dû être accompli pour en arriver là aujourd'hui.»

Une affaire de rhétorique?

L'une des différences majeures entre les générations réside dans la perception du mouvement «féministe», une expression que les jeunes femmes ne semblent pas apprécier particulièrement. «Elles hésitent à se dire féministes, soit parce que l'étiquette leur paraît trop radicale, soit parce qu'elles ne sont pas prêtes à s'engager personnellement dans la lutte», dit Raynald Harvey. Et ce, même si elles en défendent les idées.

«On caricature beaucoup le féminisme, encore aujourd'hui, croit la présidente de la Fédération des femmes du Québec, Michèle Asselin. Des femmes qui devraient se revendiquer comme féministes ne veulent pas le faire parce qu'elles ne veulent pas être identifiées au mouvement. Cela peut donner l'impression que le mouvement est moins présent qu'il ne l'est réellement.»

«Il n'y a jamais eu de génération féministe, pas plus qu'il y aura un jour une génération non féministe, mais il y a toujours eu des femmes qui ont porté cette cause-là», note Mme Asselin.