Le déroulement des audiences publiques sur l'un des plus importants projets de mine d'or à ciel ouvert du Québec, à Malartic, en Abitibi, suscite l'inquiétude des groupes écologistes. À 10 jours du début de la consultation, ils craignent que les conclusions du rapport ne soient déjà largement tracées et que tous les points de vue n'aient pas la chance d'être entendus.

La coalition Pour que le Québec ait meilleure mine! , qui rassemble une dizaine de groupes écologistes, dénonce notamment le fait que des élus et des acteurs importants de la scène économique locale aient donné leur appui au projet avant même d'en connaître les impacts sur l'environnement.

 

Dans un communiqué publié le 5 février, la chambre de commerce et d'industrie de Rouyn-Noranda «invite tous les intervenants de la région à accorder leur appui à la Corporation minière Osisko, auprès du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE)». Elle fournit une liste d'arguments aux commerçants pour les aider dans la préparation de leur intervention ou de leur mémoire en vue des audiences.

L'un des porte-parole du mouvement, Henri Jacob, reconnaît qu'une part importante de la population est favorable au projet, susceptible de créer 465 emplois pendant l'exploitation de la mine - des emplois à ne pas dédaigner en période de ralentissement économique. «Mais en parlant seulement des aspects économiques, on est en train de créer un faux sentiment de sécurité dans la population et de faire en sorte qu'elle ne s'intéresse pas aux considérations écologiques. Les dés sont pipés», dénonce-t-il.

Délais réduits

L'organisme Nature Québec reproche aussi à Québec d'avoir réduit au minimum les délais légaux des consultations et limité la tenue des audiences à un seul et unique endroit, le sous-sol d'une église de Malartic, ce qui prive les citoyens des autres régions du Québec de la possibilité de prendre part aux débats. Le BAPE n'aurait pas prévu de système de communication interactive par internet ou vidéoconférence, une information que le ministère de l'Environnement n'était toutefois pas en mesure, hier, de confirmer ou d'infirmer.

«Le projet concerne l'ensemble des Québécois qui pourraient avoir à payer pour les impacts environnementaux du projet», dit Christian Simard, président de Nature Québec.

Selon lui, cette mine produirait deux fois plus de résidus miniers que l'ensemble des 12 mines d'or en exploitation au Québec en 2007. «Pour se faire une idée du volume de résidus générés par le projet d'Osisko, on doit imaginer les 560 km de la route 117 entre Montréal et Malartic ensevelis sous près de 50 m de résidus miniers. Et ce, pour une quantité d'or extrait à peine plus grande que le volume d'une petite voiture.»

Nature Québec a aussi demandé qu'on fournisse aux citoyens de l'aide financière pour la préparation de leur passage devant le BAPE. «Ils n'ont pas autant de ressources que la compagnie minière pour monter leur dossier», relève-t-il.

Le ministère de l'Environnement refuse de commenter le dossier avant d'avoir reçu le rapport du BAPE.

Une piste de réflexion

Louis Simard, spécialiste des consultations publiques et professeur à l'Université d'Ottawa, appuie certaines revendications des écologistes et estime que, pour favoriser la libre expression de tous les points de vue, Québec pourrait envisager d'offrir à l'avenir une aide financière aux citoyens. Il trouverait anormal que le débat ne soit pas accessible à tous par vidéoconférence.

Cette audience, dit-il revêt une importance qui dépasse le territoire abitibien compte tenu des projets annoncés par le premier ministre Jean Charest pour le Grand-Nord. Cet exercice pourrait ainsi servir de piste de réflexion en vue de l'organisation d'une consultation plus vaste sur l'exploitation minière en général au Québec.

La société minière Osisko a commencé les travaux de déménagement de quelque 200 maisons, l'été dernier, pour laisser place à l'une des plus grandes mines à ciel ouvert du Canada.