Des militants pour les droits des réfugiés distribuent à Montréal de fausses publicités d'Air Canada offrant des rabais aux «accompagnateurs officiels d'une personne transférée». Ces fausses publicités proposent des vols à prix réduit pour raccompagner personnellement des réfugiés expulsés du Canada dans leur pays d'origine.

«Chargez-vous personnellement de la surveillance et du confort de la personne transférée», peut-on lire sur la fausse publicité, dont le design est méticuleusement copié sur le style d'Air Canada. «Remettez-la officiellement aux autorités au moment de votre arrivée à destination. Recevez, une fois votre mission accomplie, un document biographique complet de la personne transférée incluant son dossier d'immigration, avec reliure dorée frappée du sceau royal canadien.»

Seuls quelques détails graphiques mal copiés et la mention «Déportation Alliance» au lieu de «Star Alliance», le réseau international de lignes aériennes dont fait partie Air Canada, trahissent la fausse publicité.

Enquête

Air Canada fait enquête et veut traduire en justice les auteurs de la campagne publicitaire. Isabelle Arthur, porte-parole d'Air Canada, en a particulièrement contre l'affirmation selon laquelle la compagnie «collabore avec les différentes agences gouvernementales dont l'Agence des services frontaliers du Canada», pour «contribuer à la sécurité de notre pays».

«Ce n'est pas vrai, dit Mme Arthur. Le gouvernement peut réserver des sièges sur nos vols, comme n'importe qui. Mais il n'y a pas de collaboration. »

La campagne, dont aucun groupe n'a pour le moment revendiqué la paternité, s'inspire de celle qu'avaient menée des groupes allemands contre Lufthansa il y a six ans. Isabelle Arthur indique que c'est la première fois qu'Air Canada est visée de cette manière. L'entreprise avait toutefois été mêlée à une controverse similaire il y a quelques années, quand un groupe ayant appliqué ce concept à Air France avait diffusé un faux communiqué dans lequel Air Canada annonçait avoir renoncé à transporter les réfugiés expulsés. «Nous avons dû corriger l'information, qui était fausse», dit Mme Arthur.

Popularité accrue

Peter Myers, politologue de l'Université McMaster et auteur d'un livre dénonçant l'expulsion des réfugiés, indique qu'il a entendu dire qu'une campagne du genre était imminente. «Je n'ai personnellement pas vu les fausses publicités, mais j'en ai entendu parler, dit M. Myers. C'est un concept de plus en plus populaire depuis une dizaine d'années dans la mouvance antimondialisation. Un groupe américain, les Yes Men, se fait une spécialité d'imiter les représentants de grandes compagnies. Ils ont même parfois été invités par des gens qui pensaient avoir affaire à de vrais représentants de ces compagnies.»

Mathieu Francoeur, du groupe montréalais Apatrides anonymes, qui milite aussi contre l'expulsion des réfugiés, n'a pour sa part pas entendu parler de la campagne. La Presse lui a montré les fausses publicités et lui a demandé s'il trouvait qu'elles portaient un peu trop à confusion. «Non, dit M. Francoeur. C'est vraiment le même concept que pour Lufthansa.»