Il n'y aura plus de courses de chevaux nulle part au Québec si le gouvernement n'intervient pas pour sauver Attractions hippiques, la firme du sénateur libéral Paul Massicotte, a déclaré hier une représentante de la ministre des Finances, dans une salle du palais de justice de Montréal remplie d'hommes de chevaux en colère.

Une des mesures consiste à construire une salle de paris pourvue de 300 appareils de loterie vidéo (ALV) sur les terrains de l'hippodrome de Montréal, lequel sera fermé, a confirmé Suzanne Lévesque, sous-ministre adjointe aux sociétés d'État. Mme Lévesque a dit qu'elle savait que des groupes communautaires se préparaient déjà à s'opposer à cette salle de jeu, qu'elle refuse cependant de qualifier de casino.

La sous-ministre a témoigné devant la juge Chantal Corriveau, de la Cour supérieure. La firme de M. Massicotte, qui gère les quatre hippodromes du Québec depuis 2006, s'est placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers en juin 2008. Elle demande au tribunal de prolonger cette protection jusqu'au 6 avril.

Doutes

Les hommes de chevaux sont venus si nombreux à l'audience qu'il a fallu déménager celle-ci dans une grande salle de l'ancien palais de justice. Leurs avocats ont mis en doute la sagesse du plan de relance que négocient le ministère des Finances et Attractions hippiques. Ils doutent aussi qu'il puisse être conclu en deux mois.

L'hippodrome de Montréal est le seul au Québec qui soit doté d'une piste de 7/8e de mille répondant aux normes des grandes pistes nord-américaines, a expliqué un des avocats, Me Daniel des Aulniers. « Si cet hippodrome ferme, êtes-vous consciente que ce sera la fin de l'élevage de chevaux de courses québécois ? » a-t-il demandé à la sous-ministre.

«Si on n'intervient pas pour Attractions hippiques, il n'y aura plus de courses nulle part au Québec, a répondu Mme Lévesque. Il n'y aura plus d'emplois du tout dans l'industrie. Nous essayons de modifier l'entente pour que l'industrie puisse se maintenir.» «Il n'y a pas de plan B, pas d'autre solution?» a demandé Me des Aulniers. «Absolument pas», a martelé Mme Lévesque.

Le contrat de privatisation des hippodromes, signé il y a un peu plus de deux ans, prévoyait déjà la fermeture de l'hippodrome de Montréal, mais celui-ci devait déménager dans la couronne nord de la métropole et être doté de 1300 ALV. Attractions hippiques n'a pu convaincre aucune municipalité de l'accueillir. Les revenus de ses 800 ALV, répartis à Montréal, Québec, Trois-Rivières et Gatineau, ont été beaucoup moins élevés que prévu. Dans ces circonstances, la firme se dit obligée de modifier le contrat et de diminuer les bourses versées chaque année aux hommes de chevaux.

En vertu du projet d'entente, le minimum des bourses passerait de 16,7 à 12 millions par année, ce que les hommes de chevaux jugent très insuffisant. En même temps, le gouvernement prendrait plusieurs mesures pour aider Attractions hippiques. Des mesures se chiffrant à environ 28 millions par année, ou 700 millions pendant les 25 ans du contrat.

Attractions hippiques n'aurait plus que 3 des 12 millions à verser en bourses; les 9 millions restants seraient versés par Loto-Québec. La firme aurait congé de taxes sur les revenus du pari mutuel. Elle disposerait de 935 ALV plutôt que des 800 actuels (300 à Montréal plutôt que 200). Enfin, elle n'aurait pas à payer les taxes municipales pendant la construction de sa salle de paris à Montréal, sur des terrains que lui vendrait ou que lui louerait le gouvernement.

À ce sujet, le contrôleur d'Attractions hippiques, Yves Vincent, de RSM Richter, a dit que la salle de paris serait construite près du Wal-Mart, au coût d'environ 15 millions (en incluant l'achat ou la location du terrain par bail emphytéotique). Le reste du terrain sera vendu pour un développement résidentiel, avec une vocation sociale, a-t-il appris.

La salle de paris et ses 300 ALV se trouveront donc à proximité d'habitations à loyer modique? s'est étonné un des avocats des hommes à chevaux. «Des commerces pourraient faire tampon», a répondu M. Vincent. La cause se poursuit aujourd'hui, avec le témoignage bien attendu du sénateur Paul Massicotte.