Un nombre croissant de demandeurs d'asile, «en particulier des ressortissants du Mexique et du Nigeria», prétendent être homosexuels en arrivant à la frontière canadienne pour obtenir le statut de réfugié. Une situation que l'Agence des services frontaliers a à l'oeil, révèle un document obtenu grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

Dans son «Condensé hebdomadaire du renseignement» daté du 15 août 2008, l'Agence des services frontaliers note que «plusieurs de ces demandeurs ont obtenu gain de cause» mais que, selon une source au consulat mexicain à Toronto, «plusieurs des demandeurs mexicains avaient fait une fausse déclaration concernant leur orientation sexuelle afin de tenter de demeurer au Canada».

Depuis 1993, année où la Cour suprême a tranché en faveur des homosexuels dans l'arrêt Ward, le Canada reconnaît l'orientation sexuelle comme un motif d'asile au pays. «Les demandeurs reconnus sont considérés comme des gens persécutés en raison de leur appartenance à un groupe social», explique le porte-parole de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR), Stéphane Malépart.

L'organisme, qui se prononce sur quelque 30 000 demandes d'asile par année, ne tient cependant pas de statistiques sur les motifs invoqués par les demandeurs. Mais chose certaine, l'homosexualité est de plus en plus fréquemment invoquée de façon abusive, laisse entendre le document obtenu par La Presse. «Auparavant, la CISR a reçu un si grand nombre de demandes de soi-disant homosexuels du Costa Rica qui avaient prétendu être persécutés dans leur pays qu'elle avait dû émettre des lignes directrices selon lesquelles les homosexuels ne sont pas persécutés au Costa Rica», lit-on.

Poussés à mentir par des consultants

«C'est impossible de savoir quel est le pourcentage de demandes faites en évoquant l'orientation sexuelle, mais c'est sûr qu'il y en a beaucoup», constate l'avocat Noël Saint-Pierre, spécialiste du droit de l'immigration.

Selon lui, bien qu'un grand nombre d'homosexuels fassent des demandes légitimes, il est vrai que plusieurs demandeurs mentent sciemment au sujet de leur orientation sexuelle. «Dans bien des cas, ce sont des consultants en immigration qui leur recommandent de le faire, assure-t-il. J'ai personnellement dû défendre un homme du Mexique qui était tombé amoureux d'une fille d'ici. Quand, après avoir décidé de s'installer au Canada, il a rencontré un consultant, celui-ci lui a suggéré de faire une demande de statut de réfugié plutôt qu'une demande normale d'immigration. Il lui a laissé entendre que ce serait beaucoup plus facile s'il disait qu'il était homosexuel, et qu'il tirerait des avantages de son statut de réfugié», explique-t-il.

«Le problème, c'est que les commissaires ne l'ont pas cru et ça a pris deux ans pour démêler tout ça», poursuit Me Saint-Pierre.

Homosexuels mexicains persécutés

La Table de concertation des organismes au service des personnes immigrantes et réfugiées s'explique mal comment les ressortissants du Nigeria ont pu faire l'objet d'une mention dans le rapport que nous avons obtenu puisqu'il leur faut préalablement un visa pour pouvoir voyager au Canada. Par contre, les cas de Mexicains qui demandent l'asile pour motif d'orientation sexuelle sont plus connus, affirme l'organisme.

«C'est documenté. Le Mexique, malgré ce qui est dit publiquement par la classe politique, reste hostile aux homosexuels, affirme Me Saint-Pierre. Ils ont beau avoir une «zone rose» à Mexico, quand on en sort, c'est loin d'être aussi évident. Il y a beaucoup d'attaques dans le métro et d'arrestations abusives faites par les policiers contre les homosexuels», soutient-il.

Avec William Leclerc