La reconstruction du Manège militaire de Québec, immeuble historique détruit à 80% lors d'un incendie survenu le 4 avril 2008, coûtera très cher. La facture pourrait atteindre 250 millions de dollars si l'immeuble est reconstruit tel qu'il était avant d'être détruit par les flammes, comme le réclament les élus de Québec, selon les premières estimations du ministère de la Défense.

Pis encore, les travaux de reconstruction pourraient ne commencer qu'en 2014 et durer quatre ans, révèlent des documents du ministère de la Défense obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

 

Résultat: il pourrait s'écouler 10 ans avant que les Voltigeurs, l'unité militaire qui occupait le Manège militaire, y retournent, selon la décision que prendront les autorités canadiennes au sujet de la reconstruction de cet immeuble.

Les coûts de reconstruction du Manège militaire de Québec n'ont pas encore été dévoilés jusqu'ici par le gouvernement fédéral. Le conseil municipal de la Ville de Québec, qui pressait l'an dernier le gouvernement Harper d'entreprendre la reconstruction de l'immeuble d'ici 12 mois, a été tenu dans l'ignorance, tout comme les partis de l'opposition aux Communes.

Dans les semaines qui ont suivi cet incendie, dont l'origine n'est toujours pas connue, le gouvernement Harper s'est engagé à reconstruire le Manège militaire. L'immeuble a été construit en 1885 au coût de 651 908$.

Dans les documents obtenus par La Presse, datés du 14 mai 2008, on précise que les coûts de reconstruction étaient évalués au départ entre 60 et 100 millions de dollars. Mais après une analyse plus approfondie des plans de l'immeuble, cette estimation a grimpé à 250 millions de dollars, une somme qui tient davantage compte des coûts pour rebâtir l'immeuble avec son l'architecture unique.

Les coûts pourraient être limités à quelque 16 millions si les autorités fédérales décidaient de construire un simple immeuble. «Ce chiffre s'appuie entièrement sur la superficie en pieds carrés et n'inclut pas les coûts supplémentaires associés à la reproduction de détails architecturaux qui ont permis de désigner le Manège militaire comme édifice patrimonial», peut-on lire dans les documents.

Les responsables du ministère de la Défense évoquent par ailleurs un tout autre scénario, soit de construire un nouveau manège sur un autre terrain. Cette option entraînerait des débours de 40 millions de dollars. Un projet de «réhabilitation» du terrain du Manège militaire pourrait être réalisé en même temps.

Quoi qu'il en soit, les autorités fédérales prévoient prendre une décision au sujet de l'avenir du Manège militaire au plus tard en août. Si l'option de reconstruire l'immeuble à neuf tout en respectant son caractère historique est retenue, les plans seront faits entre novembre 2010 et novembre 2012. Les appels d'offres seraient lancés entre janvier 2014 et avril 2014 et les travaux pourraient commencer en mai de la même année et se terminer en août 2018.

Chose certaine, le ministère de l'Environnement aura son mot à dire dans cette affaire, puisqu'il est responsable de Parcs Canada, l'organisme fédéral qui gère les édifices historiques au pays.

Au ministère de la Défense, on a affirmé hier qu'il était prématuré de discuter de coûts de reconstruction. «Il serait prématuré en ce moment de spéculer puisque le gouvernement du Canada doit d'abord se prononcer sur la meilleure solution à adopter pour l'avenir du site», a indiqué Lynne Rattray, du ministère de la Défense.

Les députés du Parti libéral et du Bloc québécois, qui pressent le gouvernement Harper de délier les cordons de sa bourse pour reconstruire le Manège militaire, cachaient mal leur colère d'apprendre les évaluations du ministère de la Défense par l'entremise d'un journaliste.

Réactions

Le député libéral Denis Coderre a affirmé que le gouvernement Harper doit fait connaître ses intentions le plus rapidement possible dans ce dossier.

«Il y a deux principes dans ce dossier. D'abord, c'est une de dignité envers les Voltigeurs et le respect du patrimoine. On ne doit pas en faire un parking ou un centre d'achats! C'est important de reconstruire cet édifice historique», a dit M. Coderre.

«J'espère qu'on ne jouera pas des jeux pour trouver d'autres terrains pour satisfaire un intérêt quelconque. Le patrimoine de Québec est important et il faut le respecter. Il ne faut plus tergiverser», a dit M. Coderre. Le député croit qu'il est possible de réduire les coûts de reconstruction. «Avec les capacités architecturales, les matériaux et le talent qu'on a au Canada, je suis sûr qu'on peut trouver une solution», a-t-il dit.

La députée bloquiste de Québec, Christiane Gagnon, a pour sa part accusé le gouvernement Harper de manquer de transparence dans ce dossier important pour la capitale nationale.

«C'est un dossier qui est fait en vase clos. On ne sait rien. Pour une fois que le fédéral est propriétaire de quelque chose, il pourrait bien dire où il s'en va avec ça! Même avec l'armée, il n'y a pas d'arrimage», a dit Mme Gagnon. La députée s'élève aussi contre le calendrier de reconstruction évoquée par le ministère de la Défense. «Dix ans, c'est beaucoup de temps!»

Avec la collaboration de William Leclerc