Marc Laliberté et sa femme, Cathie Gauthier, étaient entre deux emplois et éprouvaient des problèmes financiers, ont relaté au cours des derniers jours les gens qui les ont côtoyés.

Même si un stress professionnel ou financier n'explique pas à lui seul un suicide, c'est une cause importante de détresse psychologique, indiquent les experts que nous avons interviewés. «Une perte d'emploi ou des pertes financières, ce sont des moments critiques dans la vie d'un couple», indique le psychologue Yvon Dallaire.

«La dimension financière est l'une des principales sources de tension dans la vie de quelqu'un, explique M. Dallaire. Surtout chez l'homme. Il veut subvenir aux besoins des siens et des gens qu'il aime. Fondamentalement, l'homme a besoin de se sentir utile, efficace et valorisé.»

Une personne qui veut mettre fin à ses jours est «quelqu'un qui ne voit pas de solution à sa souffrance», résume Bruno Marchand, directeur général de l'Association québécoise de prévention du suicide. «Si je suis uniquement quelqu'un parce que je travaille et que j'ai une job, c'est certain que je suis plus affecté par une perte d'emploi.»

«Avec une tendance assez forte axée sur la consommation, l'emploi et les revenus, cela devient plus probant dans la définition de qui nous sommes socialement», ajoute-t-il.

Mais le Dr Louis Morissette, psychiatre à l'Institut Philippe-Pinel, insiste sur un point. Au même titre qu'une peine d'amour, la perte d'emploi ne représente que le «facteur déclenchant» d'un geste suicidaire. L'épreuve est vue avec des «lunettes noires» à cause de la maladie dépressive, illustre le médecin. Ce n'est pas LA cause. «C'est un facteur X chez une personne déjà fragile et vulnérable.»

Le Dr Morissette souligne que durant la crise des années 30 et les grandes guerres, les taux de suicide ont baissé.

Question d'estime

Luc Brunet, psychologue industriel et professeur à l'Université de Montréal, insiste aussi sur le fait «qu'il y a des conditions prédéterminées pour que des gens pensent au suicide».

Mais il rappelle que «le travail donne un sens à la vie». «Ça répond à plusieurs besoins psychologiques, dont la sécurité, dit-il. Quand on est bien dans notre travail, il y a un sentiment d'accomplissement qui agit sur notre estime.»

Son collègue Alain Marchand, professeur à l'École de relations industrielles, souhaite faire tomber les préjugés associés à la maladie dépressive. «La personne ne veut pas prendre congé car elle veut prendre congé. Il y a quelque chose dans sa psyché qui la rend malade.»