L'insécurité alimentaire est partout. Même à Laval. À deux pas de nouveaux projets immobiliers aux maisons immenses se trouvent des gens qui vivent avec la crainte de manquer d'argent pour payer l'épicerie.

«Globalement, au Québec, le taux de pauvreté a diminué, explique Alexandre St-Denis, de la Direction de la santé publique de Laval. Il y a moins de pauvres, mais ils ont plus de misère.»

 

L'organisme estime que, pour 36 000 Lavallois, le manque de nourriture est une inquiétude. Du lot, 23 000 ne mangent pas à leur faim ou à leur goût. «Ça peut être une personne âgée qui allonge sa soupe avec de l'eau soit parce qu'elle manque d'argent, soit parce qu'elle n'a pas accès à une épicerie. Dans certains quartiers de Laval, l'accès à la nourriture est un réel problème. Les grands supermarchés ont tous déménagé près des autoroutes. Pour une mère seule, prendre l'autobus avec deux poussettes pour aller faire son marché, c'est un problème.»

L'Agence a mis sur pied le CASAL, le Comité d'action en sécurité alimentaire de Laval, qui aspire à offrir plus que de l'aide d'urgence. Grâce à différents programmes, on veut que les familles puissent reprendre le pouvoir sur leur alimentation.

Le lundi matin, dans la petite Maison de la famille de Laval-Ouest, les parents font des boîtes à lunch pour leurs enfants. Pour 3$ par écolier, ils repartent avec des lunchs pour la semaine. Cinq dîners complets et nutritifs, plus deux collations par jour. Pour Françoise Hosselet, qui a deux enfants à l'école, c'est une bouée de sauvetage. «C'est de plus en plus dur pour tout le monde, dit-elle. Les enfants vont à l'école, il faut les habiller, on n'a pas le choix. Alors on a moins d'argent à mettre dans la nourriture.»

Une période difficile

Jeudi matin, Françoise et son équipe étaient à la cuisine communautaire de la Maison. En groupe, les trois femmes cuisinaient les soupers de la semaine. Macaroni chinois, ragoût de boeuf, salade de poulet.

«Des activités comme celle-là sont importantes puisqu'il y a de moins en moins de transfert intergénérationnel des connaissances en alimentation, explique Alexandre St-Denis. Il y a moins de soupers en famille. C'est un moyen d'améliorer ses compétences.»

Les recettes avaient été choisies au préalable, en feuilletant les circulaires de la semaine. Car l'augmentation du prix des aliments, aussi minime soit-elle, a été sentie à la Maison de la famille de Laval-Ouest. «Les prix augmentent, mais mon budget reste le même, dit Marie-Isabelle Charette, qui participe à la cuisine collective. Au lieu de mettre deux douzaines d'oranges dans le panier, j'en mets une.» Il y a moins de boeuf au menu, plus de porc, et elle achète le pain au «comptoir de surplus», qui vend aussi des petits gâteaux au rabais. En groupe, les mères échangent leurs trucs. Pour la nourriture, pour les enfants. Et pour la vie. Elles sont en couple ou vivent seules avec deux, trois, six ou même huit enfants. Certaines sont sur le marché du travail. Quelques hommes viennent aussi y cuisiner.

«On sent que c'est une période difficile, dit Annie Potier, coordonnatrice de la Maison. On voit des enfants arriver ici les mains gelées parce que leurs parents ne voulaient pas prendre l'auto pour venir les reconduire. Cet été, déjà, il y avait plus d'enfants à la halte-garderie parce que les parents écourtaient les vacances au camping.»

Après une journée aux fourneaux du petit bungalow, les mères retournent chez elles avec des recettes miracles faites avec des produits au rabais. Elles ont les bras chargés de nourriture. Et elles en ont un peu moins lourd sur les épaules.